C’est un groupe d’entreprises qui a vu le jour en 2023 et qui continue de s’élargir : Spoconline Ads est spécialisé dans la conception d’abribus connectés et, plus largement, de mobilier et de solutions urbaines intelligentes adaptées aux territoires tropicaux. À terme, l’objectif est de structurer un réseau de six entités réparties entre grandes et petites Antilles. Une première phase opérationnelle doit démarrer dans les prochaines semaines à Deshaies, en Guadeloupe. Fondateur de Spoconline Ads, Stéphane Selbonne souhaite repenser la Smart City depuis les réalités des territoires insulaires. Le Marie-Galantais veut ainsi développer un autre modèle de “Smart City tropicale”, où la technologie reste un outil au service de l’environnement et des habitants.

Spoconline Ads, c’est l’histoire d’une idée née dans un contexte insulaire où les intempéries extrêmes sont une réalité quotidienne. Pour Stéphane Selbonne, ingénieur en systèmes et réseaux, l’innovation part d’une expérience directe du terrain. « Je suis originaire de Marie-Galante et je vis en Guadeloupe. J’ai vécu plusieurs phénomènes environnementaux : tremblements de terre, cyclones, inondations… Cette idée est donc venue très naturellement. »
En effet, ces événements lui font prendre conscience du décalage entre les modèles d’urbanisme intelligent pensés pour les grandes villes et les réalités vécues dans les territoires tropicaux. « En tant qu’ingénieur système et réseau, je me suis dit qu’il fallait adapter les capteurs, ce qu’on appelle communément l’IoT, à un mobilier urbain pertinent ; celui qui est en contact direct avec les phénomènes environnementaux. » 

L’idée se structure progressivement à partir de 2015, lorsqu’il commence à expérimenter, tester, et adapter des technologies en conditions réelles. Il choisit de concentrer ses efforts sur un objet du quotidien : l’abribus. « On a choisi l’abribus comme maillon parce que c’était le plus pertinent pour avoir une vue globale sur une agglomération. » Dans la vision portée par Spoconline Ads, l’abribus devient un capteur urbain multifonction, capable de collecter et transmettre des données essentielles : détection de la montée des eaux, mesures météo ultra-locales, suivi de la qualité de l’air, sismicité, fréquentation… « Avoir des abribus qui sont capables de détecter et d’historiser les phénomènes de submersion ou d’inondation, ça permet d’établir une cartographie précise de la montée des eaux. Et donc de pouvoir, par exemple, anticiper les constructions dans les futurs schémas d’aménagement du territoire. » Pendant plus de cinq ans, les prototypes sont testés en bordure de mer, dans des environnements fortement exposés aux éléments. « On a travaillé pendant plus de cinq ans sur un site test, dans des conditions assez extrêmes. Ça nous a permis de faire une sorte d’ingénierie inversée, d’améliorer chaque détail, notamment sur l’abribus, qu’on a rendu solaire. »

 Un déploiement en plusieurs étapes

Pour accompagner le déploiement dans les territoires, Stéphane Selbonne mise sur une expansion progressive, pensée à la fois en fonction des besoins locaux et des contraintes réglementaires et financières. « Notre marché, au départ, c’est la zone Antilles-Guyane. Elle est proche de nous et elle présente des contraintes environnementales fortes. Mais notre vision, elle est internationale. » Le développement d’un tel projet ne va malheureusement pas sans obstacles. L’un des principaux freins est d’ordre économique, notamment face à la difficulté de lever des fonds. « On a déjà eu des initiatives privées qui sont rentrées dans nos capitaux. L’idée, c’est maintenant de faire levier pour accélérer le déploiement. On se donne deux ans pour réaliser une première grosse levée de fonds. Mais il ne faut pas se mentir, c’est quelque chose de très compliqué dans les territoires ultramarins. Ce sont des marchés étroits, et les investisseurs ne se projettent pas facilement. » Ces difflcultés n’empêchent pas pour le moment le projet d’avancer. « Il ne s’agit pas juste de mise en place d’abris bus, il s’agit de produire de la donnée utile, pour mieux orienter les politiques publiques et les investissements. Ce qu’on cherche, c’est la pertinence de certaines infrastructures. Est-ce que ça a du sens de mettre un abribus dans une zone peu fréquentée ? Ou ne vaudrait-il pas mieux y développer un transport à la demande ? » 

À l’horizon 2050, le fondateur de Spoconline imagine une ville connectée tropicale, sobre, adaptée, centrée sur les besoins concrets de la population, et non sur des effets de mode technologiques. « Une ville tropicale idéale, c’est une ville qui tient compte de son milieu, qui n’intègre pas de la technologie pour la technologie. C’est une ville qui répond à un écosystème de besoins. On a connu des phénomènes cycloniques violents, avec des coupures de communication totales. Dans ces moments-là, on doit avoir un plan B. Et la technologie peut jouer ce rôle. Pour moi, c’est ça, une ville intelligente. »

Un lancement dès 2025

Après plusieurs années de développement technique et d'expérimentation sur le terrain, Spoconline Ads entre officiellement en phase de déploiement opérationnel. Les premières installations sont prévues dès 2025, avec une cinquantaine d’unités en projet de déploiement pour la Guadeloupe, Marie-Galante ou encore Sainte-Lucie... « On vient de démarrer. On a des commandes, on a plusieurs bons de commande de plusieurs communes. Les premiers abribus seront installés dans moins d’un mois. La ville de Deshaies, par exemple, va bientôt disposer de dix unités dans le cadre de notre projet. » D’autres communes et collectivités ultramarines ont également manifesté leur intérêt. Si certaines sont encore en phase de contractualisation, l’accueil global du projet est encourageant, notamment du fait de sa pertinence face aux aléas climatiques. « Nous avons plusieurs bons de commande en cours », confirme Stéphane Selbonne, tout en précisant que les installations seront annoncées publiquement au fur et à mesure. Les équipements développés ne se limitent pas aux abribus. 

Le groupe Spoconline Ads propose aussi des poteaux d'information connectés, des bancs solaires et des candélabres intelligents, tous conçus pour résister aux aléas tropicaux et fonctionner de façon autonome grâce à l’énergie solaire. « Notre bureau d’étude s’occupe d’ajuster le design, l’ancrage et les fonctionnalités en fonction des routes, des réseaux existants, des risques naturels, ou encore de la densité urbaine. Rien n’est standardisé. » Au-delà des capteurs environnementaux, ces équipements visent aussi à améliorer directement le quotidien des citoyens. « L’abribus conserve sa fonction première : protéger, accueillir, afficher l’information voyageur. Mais il devient aussi un support de sécurité publique, notamment en période de crise. » 

À terme, Spoconline Ads prévoit également des services d’affichage dynamique ou de recharge mobile, avec des fonctionnalités appelées à évoluer selon les besoins exprimés localement. D’autres projets sont également en phase de développement. « Je ne peux pas en dire plus aujourd’hui », glisse Stéphane Selbonne. Une chose est sûre : Spoconline Ads entend continuer à innover depuis les territoires, en partant du terrain et de ses contraintes, pour imaginer des solutions technologiques adaptées.

Abby Said Adinani