Dans les cuisines du restaurant Omaï, une immersion gourmande aux saveurs du Pacifique

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Dans les cuisines du restaurant Omaï, une immersion gourmande aux saveurs du Pacifique

Il y a des voyages qui marquent une vie. Pour Adel Rassaa, le fondateur d’Omaï, ouvert en septembre dernier à Paris, ce fut la découverte de la Polynésie et d’un plat emblématique : le poisson cru au lait de coco. De ce coup de cœur gustatif et culturel est née une mission : partager, sans trahir, l’authenticité d’une cuisine locale solaire et généreuse.

Un voyage qui change une vie

C’est sur une plage de Moorea que tout bascule. Autour d’un poisson fraîchement pêché, d’un citron vert, d’un coco cueilli à l’instant et d’une pincée de sel marin, Adel Rassaa goûte pour la première fois au poisson cru au lait de coco, présenté dans une coque de noix de coco, face à l’océan. « C’était ma première bouchée… ça m’a changé. ».

De Moorea à Paris, une envie de partage

Ancien responsable commercial, Adel rentre en France hexagonal avec un projet de reconversion professionnelle plus ou moins aboutit, ouvrir son propre restaurant. Au départ, son offre n’était pas encore totalement définie, jusqu’à ce constat : le poisson cru au lait de coco, plat incontournable en Polynésie, était introuvable à Paris. « À Paris, on trouve de tout, des restaurants pour toutes les cultures. Je trouvais tellement dommage qu’on ne trouve pas ce plat extraordinaire. Je voulais le faire découvrir au plus grand nombre. »

Ainsi naît Omaï, clin d’œil à l'explorateur polynésien, natif de l'île de Raiatea, qui a accompagné les navigateurs britanniques dans le Pacifique, puis jusqu'à Londres. Le restaurant, lui, installé dans le 14e arrondissement de Paris, au 25 rue Mouton-Duvernet, se veut un pont entre deux cultures, où fraîcheur et authenticité inspirent chaque assiette.

Tuna Temptation : le poisson cru au lait de coco

À Tahiti et en Polynésie, on l’appelle simplement « poisson cru au lait de coco ». En Nouvelle-Calédonie, il est plus connu sous le nom de « salade tahitienne ». Mais à Paris, l’appellation « poisson cru » sonnait moins appétissante. « C’est pour ça que je l’ai appelé Tuna Temptation ». Derrière ce nom séduisant, la recette reste fidèle à l’originale : thon frais, lait de coco, citron vert… une simplicité qui raconte un véritable art de vivre.

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Pour être au plus près de la tradition, Adel a été accompagné et formé par Cathiana Hareapo, animatrice culturelle, qui lui a transmis les petits secrets pour donner à son plat la justesse de celui dégusté à 15 000 kilomètres de Paris.

On y retrouve aussi le poulet soyo, spécialité calédonienne. Et avis pour les plus gourmands, la personnalisation de son bol est sans limites et sans surplus. Le credo de la maison ? « Chez Omaï, chaque bouchée vous transporte sous le soleil de Tahiti ! »

Une aventure partagée

Si Omaï s’est fait une place dans le paysage parisien, c’est aussi grâce au soutien de la communauté polynésienne. « Beaucoup de Tahitiens m’ont aidé. Ils sont venus, m’ont formé, m’ont donné des conseils, et promeuvent un peu ce restaurant. » Ici, il ne s’agit pas d’imiter, mais de transmettre avec respect et passion.

Adel Rassaa et Ylang Suve Totele ©Outremers360

Adel est également accompagné par l’agence Tsarine Agency, cofondée par Ylang Suve Totele, originaire de Wallis-et-Futuna, qui valide elle-même la recette du Tuna Temptation. Pour elle, le parfum qui se dégage dès l’entrée du restaurant « suffit à voyager sous le soleil polynésien ». Nostalgique d’une époque où les soirées polynésiennes animaient le 17e arrondissement de Paris, elle voit dans Omaï une continuité précieuse de ce lien culturel.

Chez Omaï, chaque bol est une invitation au voyage, une escale ensoleillée au cœur de Paris. Inspirée par la richesse culinaire polynésienne, la mission du restaurant est claire : offrir une expérience gustative authentique, où fraîcheur, créativité et générosité se conjuguent pour raconter une histoire – celle d’un plat, d’un peuple et d’une passion partagée. 

À la découverte d’un aliment : la noix de coco

Outremers360 a choisi de vous raconter l’histoire d’un aliment clé de la recette du « Tuna Temptation », la noix de coco.

Née au gré des marées et portée par les courants océaniques, la noix de coco a voyagé de rivage en rivage bien avant l’homme, s’échouant sur les plages des îles lointaines pour y germer. En Polynésie, elle s’est imposée comme un trésor du quotidien : sa chair nourrit, son eau désaltère, son huile soigne, et chaque partie du cocotier trouve son usage. Du lever au coucher du soleil, elle accompagne la vie des habitants, dans les plats, les boissons, les remèdes et jusque dans l’artisanat. Symbole d’abondance et de résilience, elle incarne ce lien intime entre l’homme et son île, entre la nature et la culture.

Infos :

Omaï

25 Rue Mouton-Duvernet - 75014 Paris

Tél : 01 40 52 14 69

www.omai-poke.fr

Horaires : du lundi au dimanche de 12h à 22h30

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Tania Imache

Ahutoru, Omai, Tupaia : ces Tahitiens qui ont accompagné les navigateurs européens

Choisis pour leurs connaissances de l’Océan, des îles et des étoiles, en plus de leur intelligence et leur capacité à s’adapter, et à communiquer avec les peuples océaniens, trois tahitiens embarquèrent à bord des navires européens, faisant parfois voyage jusqu’au grandes villes du Vieux continent.

C’est ainsi qu’en 1769, Ahutoru, fils d’un chef de Raiatea, devient le premier tahitien à fouler le sol européen, par Saint-Malo, après avoir traversé le Pacifique et l’océan Indien -en passant notamment par l’Île Maurice- à bord de La Boudeuse, commandée par Louis Antoine de Bougainville.

À Paris, l’accueil d’Ahutoru est mitigé, certains reprochant au capitaine français d’avoir arraché un autochtone à sa patrie. Bougainville va, lui, s’attacher à accoutumer Ahutoru à la culture européenne. Le Tahitien est présenté à Louis XV, et rencontre notamment Diderot, écrivain et philosophe des Lumières et auteur du Supplément au Voyage de Bougainville, conte philosophique critique. À Paris, Ahutoru s’intéresse au théâtre et à l'opéra.

Ahutoru regagne le Pacifique au bout d’onze mois de séjour à Paris. Il n’arrivera toutefois pas à regagner son île natale : après une longue escale à l’Île Maurice, Ahutoru reprend la mer mais décède de la variole à Madagascar. Son corps est alors immergé dans l’océan Indien.

Omai, ou Mai, lui aussi né à Raiatea, arrive à Londres en 1774, après avoir embarqué sur l’HMS Adventure. Sur place, il est présenté au roi Georges III et le tahu’a (prêtre en Tahitien) y resta deux ans. En 1776, il participa au troisième voyage de Cook, qui le ramena à Huahine, île voisine de Raiatea. Omai lui servit d'interprète avec les peuples polynésiens lors des deux voyages auxquels il prit part. En 1789, alors à Tahiti, le capitaine William Bligh apprend qu’Omai est décédé dix ans plus tôt, en 1779.

Son portrait, peint à Londres par Joshua Reynolds, avait été racheté 56,4 millions d'euros en avril 2023 par plusieurs musées publics anglais et américains.

Le plus connu des Tahitiens ayant accompagné les navigateurs européens dans leurs expéditions est très probablement Tupaia. Comme Ahutoru et Omai, c’est un natif de Raiatea, appartenant à la caste des ‘arioi, une congrégation très sélective d'artistes. De lignée royale, son éducation lui permet de connaître parfaitement le triangle polynésien et les règles de la navigation ancestrale polynésienne.

Tupaia rejoint l’équipage de l’Endeavour, commandé par James Cook, en 1769, à la demande du naturaliste et mécène Sir Joseph Bank. Si James Cook est d’abord réticent, Tupaia lui établit une carte détaillée du Pacifique Sud, permettant à Cook de « découvrir » plusieurs îles encore inexplorées par les Européens, dont Niue. Il pourrait aussi avoir permis à James Cook et son équipage de découvrir Hawaii, l’île de Pâques et la Nouvelle-Zélande, trois extrémités du triangle polynésien, mais James Cook et l'Amirauté ne souhaitaient pas attribuer la gloire de ces découvertes à un « sauvage ».

Pirogues à Tahiti, peinture à l'aquarelle de Tupaia, vers 1769

Tupaia aura tout de même permis, en Nouvelle-Zélande, d’éviter des affrontements, faisant de lui un interprète, médiateur et diplomate hors pair. Une qualité qu’il met en pratique aussi en Australie. Malheureusement, comme Ahutoru, Tupaia ne retrouvera pas sa terre natale : il décède à Jakarta, vraisemblablement en 1770, sans consensus sur les causes et la date exacte de son décès.

Tupaia devint toutefois célèbre dans le Pacifique et notamment en Nouvelle-Zélande. En effet, en 1774, James Cook revient sur l’archipel tout au sud du Pacifique, mais dans une autre partie, sans contact avec les Maori qu’il avait alors rencontré avec Tupaia. Pourtant, les Maori qu’il rencontre s'enquièrent au sujet du célèbre tahitien. Cette célébrité semble être due au fait que Tupaia venait du lieu d'origine des Maoris et que leurs traditions avaient conservé le souvenir de cette terre sacrée.

Aujourd'hui, Tupaia est un personnage important pour l'histoire des Maoris de Nouvelle-Zélande et l'anniversaire de son arrivée dans le pays a été commémorée par le gouvernement néo-zélandais en 2019. La même année, la compagnie tahitienne Air Tahiti Nui baptise un de ses nouveaux appareils en son honneur. Son descendant, Teuraiterai Tupaia, est champion de France de Javelot et a participé aux Jeux Olympiques de Paris en 2024.