Baisse de l’inflation, climat des affaires résilient, progression de l’emploi salarié : Les enseignements du point de conjoncture des Instituts d’émission d’Outre-mer

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Baisse de l’inflation, climat des affaires résilient, progression de l’emploi salarié : Les enseignements du point de conjoncture des Instituts d’émission d’Outre-mer

Les Instituts d’émission d’Outre-mer, IEDOM-IEOM, ont présenté ce mercredi depuis Paris leur point de conjoncture de l’année 2023, entre baisse de l’inflation, climat des affaires résilient ou encore, progression de l’emploi salarié dans les territoires ultramarins. Soumis aux chocs exogènes et endogènes, les Outre-mer sont amenés à « trouver un chemin de croissance durable » estiment l’IEDOM et l’IEOM.

C’est un rendez-vous traditionnel que donne chaque année les Instituts d’émission d’Outre-mer, au printemps depuis Paris, avant de laisser la main aux antennes locales qui vont développer les points de conjoncture annuels propres à chaque géographie. Et comme à l’accoutumé, Ivan Odonnat, président et directeur général des Instituts, et Stéphane Foucault, directeur, sont au décryptage de cette messe économique ultramarine, qui balaye les chiffres de l’année passée tout en proposant ses enseignements et perspectives économiques à court, moyen et long terme.

Du général au particulier, Ivan Odonnat commence par le contexte international qui, naturellement, influe sur le local. « L’an dernier a été marqué par l’atténuation des tensions sur les prix de l’énergie et sur les chaînes d’approvisionnement mondiales, mais aussi par l’impact d’un resserrement monétaire sans précédent, renchérissant le coût du crédit », explique-t-il. A « ces chocs externes » se sont ajoutés des « chocs propres à chaque territoire d’Outre-mer, en lien avec ses vulnérabilités économiques, sociales ou météorologiques ».

On cite, entre autres : les saisons cycloniques marquées aux Antilles et à La Réunion, la faillite d’Air Antilles et Air Guyane, la hausse de la criminalité en Guyane, la crise de l’eau à Mayotte, également confrontée à la crise migratoire et sécuritaire, la crise du nickel en Nouvelle-Calédonie, dans un contexte politique encore incertain ou encore, le changement de majorité et de gouvernement en Polynésie suite aux élections territoriales de mai dernier.

Baisse généralisée de l’inflation

Premier enseignement, première bonne nouvelle. Les tensions sur les prix de l’énergie se sont atténuées au niveau mondial, sans pour autant retrouver son niveau pré-covid. L’alimentaire reste toutefois sensible, preuve avec le prix du riz blanchi, encore à 600 dollars la tonne contre 400 en 2019. Le coût du fret a lui aussi baissé, revenant à des niveaux pré-covid, bien qu’une nouvelle hausse soit à noter début 2024, en lien avec les conflits au Proche orient et les tensions en Mer Rouge. Mais tout de même, le contexte international profite aux territoires où « comme dans l’hexagone, l’inflation a nettement reflué en 2023, passant d’environ 5% en décembre 2022 à 2,5 % en décembre 2023 ».

Localement, la Polynésie et la Nouvelle-Calédonie sont sous la barre des 2%, inflation cible fixée par la BCE. Les deux collectivités du Pacifique sud flirtent même avec les 0% d’inflation en glissement annuel. Deux raisons : des politiques internes de gel des prix des hydrocarbures par exemple ou encore, un approvisionnement plus diversifié, venant autant de l’Hexagone que de l’Asie-Pacifique. Les territoires de la zone euro se situent, eux, dans une fourchette comprise entre 2 et 4% d’inflation. Seuls Saint-Pierre et Miquelon et Wallis et Futuna passent difficilement la barre des 6% d’inflation. Mais hormis Wallis et Futuna, toutes les courbes sont à la baisse.

Une baisse qui rebondit machinalement sur les coûts des crédits aux ménages, en augmentation. Les dirigeants des Instituts rappellent que ceux-ci avaient été baissés entre 2019 et 2022, pour aider les ménages à contracter en période de crise, que ce soit sur les crédits de consommation à court terme ou sur les crédits à l’habitat, davantage à moyen terme. L’inflation ayant baissé, les coûts des crédits augmentent. Et si l’évolution des paiements par carte bancaire conserve une dynamique, elle apparaît moins importante qu’entre 2021 et 2022.

Le climat des affaires en demi-teinte

Autre indicateur important : le climat des affaires. Pour l’IEDOM et l’IEOM, celui-ci est « dégradé » mais « résilient » et « au niveau de sa moyenne » de longue période, c’est-à-dire, 100. La Guyane et la Nouvelle-Calédonie sont sensiblement sous cette moyenne, comme l’Hexagone, sans toutefois donner lieu à un indicateur alarmant. L’indicateur du climat des affaires à Mayotte, s’il reste au-dessus de la barre des 100, est en chute libre depuis la mi-2023 -toujours en raison des chocs exogènes et endogènes cités précédemment-. Il apparaît stable à La Réunion et en Guadeloupe, et en hausse en Martinique et en Polynésie, la collectivité du Pacifique affichant le meilleur indicateur en Outre-mer, à près de 110.

Progression de l’emploi mais …

Du côté de l’emploi salarié, les chiffres progressent en général. Au quatrième trimestre 2023, le nombre de salariés dans le privé par rapport à la même période en 2022 a augmenté en Guadeloupe (+539), en Guyane (+887), à La Réunion (+2337), en Nouvelle-Calédonie (+626) et en Polynésie (+1628) -pour les deux collectivités du Pacifique, les chiffres sont basés sur les 3ème trimestres 2023 et 2022 et pour la Polynésie, il concerne à la fois le secteur public et privé-. Seule la Martinique affiche une baisse de 305 emplois salariés dans le privé. Deux raisons possibles : l’évolution démographique en berne et le transfert des salariés vers le public.  

… des difficultés à recruter

Paradoxalement, les difficultés de recrutement se sont intensifiées dans les DROM de la zone euros, un enseignement partagé aussi dans l’Hexagone. La part de recrutements difficiles se situe entre 40 et 60% en 2023, quand ce chiffre était de 25 à 30% en 2017. Et en conséquence, le taux de chômage demeure élevé dans les Outre-mer : légèrement sous les 20% en Guadeloupe et à La Réunion, au-dessus de 15% et en hausse en Guyane, sensiblement au-dessus des 10% en Nouvelle-Calédonie et en Martinique, et sous la barre des 10% en Polynésie française. Ici, la courbe enregistre une baisse continue depuis 2020, se rapprochant du taux de chômage en France hexagonale.

Sur les encours aux crédits d’investissement des entreprises, l'IEDOM et l’IEOM notent une stabilisation, voire une progression, notamment en Polynésie, depuis la fin de la pandémie et grâce aux excellents chiffres du tourisme en 2022 et 2023. Yvan Odonnat prévient toutefois : les investisseurs privés semblent s’être, en 2024, réfrénés, observant une forme d’attentisme face à la politique fiscale du gouvernement. Sur les crédits d'exploitation, ceux-ci ont baissé sous l’effet du remboursement des PGE et de la hausse des taux d’intérêts.

Enfin, sur la défaillance des entreprises, les Instituts avaient déjà livré un point conjoncturel sur ce sujet à la mi-mars. Le constat quelques semaines plus tard est sans surprise le même : les défaillances sont en nette hausse dans tous les territoires, sauf en Polynésie française, là encore, grâce aux bons chiffres du tourisme. « Ces tensions sont principalement marquées dans les secteurs de la construction et du commerce, où elles s’accompagnent d’une érosion des effectifs salariés ». Les Instituts prévoient une année 2024 plus difficile en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie, « où les modalités de sortie de crise du secteur du nickel sont encore incertaines ». Pour ces trois territoires, « les chefs d’entreprise s’attendent même ainsi à une baisse d’activité tous secteurs confondus ».

S’approvisionner dans les bassins régionaux

Pour conclure, les Instituts recommandent, en premier lieu, de renforcer l’investissement productif, notamment privé, en Outre-mer, ces « petites économies ouvertes mais particulièrement dépendantes ». Et sur la dépendance, comme l’an dernier, Ivan Odonnat appelle à particulièrement flécher l’investissement sur la transition énergétique, alors que les Outre-mer sont encore majoritairement dépendants des énergies fossiles. Un chiffre vertigineux : entre 1991 et 2021, les émissions de gaz à effet de serre ont augmenté de 64,4% dans les DROM et de 91,8% dans les COM, alors qu'elles ont parallèlement baissé de 25,4% dans l’Hexagone.

Autre dépendance à atténuer : l’approvisionnement. Si les collectivités du Pacifique et Saint-Pierre et Miquelon, ont des sources d’approvisionnement davantage diversifiées, avec une part non-négligeable des pays asiatiques et d’Océanie, les DROM sont encore très dépendants de l’Hexagone, à plus de 50% à La Réunion, Mayotte, aux Antilles et en Guyane. Ce qui pousse les dirigeants des Instituts à appeler les territoires à se tourner vers leurs voisins, pour qui « les Outre-mer représentent un potentiel marché d’exportation ». Autres recommandations : accélérer la transformation numérique, faire aboutir les réflexions engagées sur l’octroi de mer et les retards de paiement, investir dans la formation, libérer le foncier, concrétiser les projets de transport ou encore, réduire l’insécurité.