UNOC-3 : Dans une tribune, Polynésie française et République des Palaos disent non à l’exploitation minière

UNOC-3 : Dans une tribune, Polynésie française et République des Palaos disent non à l’exploitation minière

Le président de la Polynésie française Moetai Brotherson a co-signé avec le président de la République des Palaos (Palau) Surangel Whipps Jr., un article pour dire non à l’exploitation des fonds marins. Ils craignent les « dommages environnementaux irréversibles », parlent de « risques pour la santé des océans et la stabilité du climat », ainsi que « des gains économiques incertains » et redoutent « des tensions géopolitiques qui déstabiliseraient ce continent océanique pacifique ». Cet article a été publié dans la prestigieuse revue scientifique Nature, preuve que leur vision et leur expertise est reconnue. Un message fort envoyé à la communauté internationale à la veille de l’UNOC. Un sujet de notre partenaire Radio 1 Tahiti.

C’est à la veille de l’ouverture de la Conférence des Nations Unies sur l’océan à Nice que la prestigieuse revue scientifique Nature, publie une tribune co-signée par le président du Pays, Moetai Brotherson et le président de la République des Palaos Surangel Whipps Jr. Ils proclament leur opposition à l’exploitation des fonds marins, estimant que « la volatilité économique, les bénéfices locaux limités, les impacts écologiques dévastateurs et les risques climatiques représentent des menaces inacceptables ».

Concernant l’économie d’abord, pour les deux élus, l’extraction des métaux en eaux profondes est loin d’être une source financière stable. Au contraire, les « fluctuations de prix sont drastiques et imprévisibles » et la demande future reste « incertaine »« en raison des progrès rapides en matière de recyclage et de matériaux alternatifs ».

Ce qui rend l’exploitation minière en eaux profondes peu fiable. « Elle pourrait rapidement devenir économiquement irréalisable en cas de chute des prix ou d’augmentation des coûts environnementaux. »  Si les prix de ces matières premières baissaient, cela pourrait déstabiliser les économies trop dépendantes des recettes minières.

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En termes de retombées fiscales, ce n’est pas non plus la solution rêvée selon les deux élus : « Les redevances minières doivent être partagées entre tous les États membres de l’ISA, ce qui réduit considérablement les bénéfices d’un seul pays. » Sans compter les risques financiers que cette activité pourrait représenter.

Ils prennent l’exemple de la Papouasie-Nouvelle-Guinée qui a perdu « la totalité de son investissement de 120 millions de dollars, le montant de sa participation dans un projet d’exploitation minière en eaux profondes, lorsque l’entreprise canadienne à l’origine de ce projet, Nautilus Minerals, a fait faillite. La dette qui en résulte représente environ 10 % du déficit budgétaire du pays pour 2019 ».

C’est également loin d’être une bonne idée pour développer l’emploi puisque cette activité nécessite des équipes spécialisées, ce qui limite les possibilités d’emplois au niveau local. Selon les deux présidents, exploiter les terres rares serait moins efficace que d’investir dans d’autres secteurs comme le tourisme côtier ou la pêche « qui s’appuient davantage sur les compétences locales ».

Du côté de l’environnement, l’exploitation des métaux en eaux profondes est aussi une source d’inquiétude. Cette fois les deux présidents prennent l’exemple de Nauru et des difficultés économiques et sanitaires après des années d’exploitation du phosphate et s’interrogent : quel pourrait être le résultat de l’exploitation des fonds marins pour la biodiversité de ces habitats isolés ? 

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« Des études montrent que même des perturbations expérimentales entraînent une récupération écologique incomplète après des décennies », citent Moetai Brotherson et Surangel Whipps Jr. Sans compter les conséquences des « panaches de sédiments » qui peuvent « contaminer les produits de la mer » et « affecter les zones de pêche cruciales pour les communautés côtières ».

Et qui sera responsable en cas d’accident écologique ? « L’impact généralisé de l’exploitation minière en eaux profondes posera des problèmes juridiques et géopolitiques. Ni la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer ni l’ISA (l’Autorité internationale des fonds marins, ndr) ne disposent d’un mécanisme international solide permettant d’attribuer les responsabilités de manière efficace et de fournir une compensation pour les dommages causés par les activités minières. »

Alors que les îles du Pacifique font déjà face à la montée des eaux, au blanchissement des coraux, à l’intensification des épisodes climatiques, au réchauffement des mers, et donc à la mise en danger de la sécurité alimentaire de leurs populations, les deux élus sont clairs : l’exploitation minière en eaux profondes est aujourd’hui inacceptable.

Publier dans la revue scientifique Nature est extrêmement difficile, les articles doivent présenter des résultats inédits, avoir un impact majeur et répondre à une méthode scientifique rigoureuse. Moins de 10% des articles soumis sont acceptés.

Cette publication est donc un signal fort à la communauté internationale (le lien pour le lire en intégralité), le comité éditorial de la revue Nature donne une portée internationale aux arguments de Moetai Brotherson et de Surangel Whipps Jr. Pour la représentante de l’Ifrecor en Polynésie, Muriel Pontarollo, c’est la première fois que des présidents du Pacifique en exercice publient une analyse aussi poussée dans un journal de cette stature. 

Lucie Rabreaud pour Radio 1 Tahiti