La mission d’information parlementaire sur la situation en Nouvelle-Calédonie un an après les émeutes, menée par la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, achève sa visite sur le territoire, après huit jours d’auditions et d’échanges. Son président, Davy Rimane, retient "la volonté, chez toutes les forces politiques, de discuter et d’aboutir à quelque chose", a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse vendredi 16 mai. Un rapport est attendu dans un mois. Détails avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
À la tête de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, qui conduit la mission d’information parlementaire sur la situation en Nouvelle-Calédonie un an après les émeutes, Davy Riman, député de la Guyane. À ses côtés, Philippe Gosselin, secrétaire de la délégation et député de la Manche. Tous deux étaient entourés par les deux parlementaires calédoniens, Emmanuel Tjibaou et Nicolas Metzdorf, co-rapporteurs du rapport de la mission qui est attendu dans un mois, lors de la conférence de fin de mission organisée vendredi 16 mai au Congrès.
Le document aura la charge de retranscrire des dizaines d’heures d’auditions, qui se sont déroulées un peu partout sur le territoire, à Lifou, Koné, Bourail, Nouméa, Mont-Dore, etc., à la rencontre des responsables des institutions et des différentes forces politiques, mais pas seulement. "On a échangé avec des maires, des coutumiers, des représentants de la société civile et des socioprofessionnels, des cercles de réflexion, des voisins vigilants, des membres de l’Association citoyens mondoriens, d’habitants de Saint-Louis, etc.", développe Philippe Gosselin. L’objectif de cette mission ? Informer les parlementaires, mais aussi "rendre compte, dégager des impressions, peut-être aussi des pistes de solution. Notre rôle, c’est d’être des catalyseurs, des facilitateurs". Le rapport comprendra également des propositions des quatre députés, certaines concernant les urgences auxquelles fait face le territoire, d’autres à plus long terme.
Davy Rimane : "Il faut que chacun fasse un pas vers l’autre"
"La première chose que nous retenons de cette mission, c’est la volonté, chez toutes les forces politiques avec lesquelles nous avons échangé, de discuter et d’aboutir à quelque chose. Ensuite, la situation économique et sociale du pays est assez dramatique. Au niveau de la population, on a ressenti un fort besoin que la vie plus ou moins normale reprenne son cours. Il y a eu des moments de fortes tensions, des blessures pendant cette période douloureuse. Je parie sur mes deux collègues, Emmanuel Tjibaou et Nicolas Metzdorf, pour être ces passerelles entre les deux camps et ainsi permettre de retisser les liens et donner des perspectives. Des auditions, comme ce matin avec l’Association des citoyens mondorien et les voisins vigilants, qui se sont adressés à Emmanuel directement, où comme Nicolas avec le bureau politique du FLNKS, ont permis de dire des choses entre ceux qui ne le faisaient pas forcément. Il faut que les gens se parlent, apprennent à se connaître, que chacun fasse un pas vers l’autre. Tout le monde a sa part de responsabilité dans cette situation. Mais, les clés sont dans les mains des Calédoniens. Je retiens aussi la nécessité, l’obligation pour les responsables de prendre des décisions, il y a urgence, avant les élections. À partir du moment où elles seront lancées, la Calédonie va se retrouver enfermée dans un tunnel électoral dont elle sortira en juillet 2027. Et on ne peut pas enfermer le pays là pendant deux ans. Donc, chacun va devoir faire des choses pour que, malgré tout, le pays avance, parce qu’il y a une population qui est en attente, en détresse."
Philippe Gosselin : "Des choses se sont dites qui vont peut-être permettre d’avancer"
"Après des dizaines d’heures d’auditions et des dizaines de personnes rencontrées, on en arrive à cette conviction que les fils du dialogue ne sont pas rompus. Il y a des traumatismes profonds, personne ne dit que tout va bien et que tout est simple, mais on sent une volonté d’aller de l’avant. Il s’est dit, dans le cadre de cette mission, devant les deux députés calédoniens, des choses qu’ils n’avaient peut-être pas tout à fait entendues de la même façon dans leur rôle habituel et qui vont peut-être permettre d’avancer. Des choses peuvent infuser. Mais, il faut y aller avec beaucoup de précaution. Il y a cette petite note d’espoir, tout n’est pas si sombre, il y a peut-être encore des voies et moyens, un chemin."
Nicolas Metzdorf : "Je veux croire que le temps de la discussion n’est pas fini"
Le message qu’il faut retenir, c’est notre responsabilité de poursuivre la dynamique de discussions entamée depuis plusieurs mois. Ce n’est pas parce que le conclave de Deva s’est soldé par un échec que c’est l’échec des discussions. Je crois qu’on est partis frustrés de Deva, de ne pas avoir pu aboutir à un accord politique. Personne n’y est allé avec la ferme volonté de ne pas trouver d’accord. Il y a de la déception, mais pas de résignation. Ce n’est pas parce qu’un projet ne satisfait pas tout le monde qu’on ne peut pas trouver autre chose. Je veux croire que le temps de la discussion n’est pas fini. Nous devons saisir le temps qui nous est imparti. Il est court, parce que forcément derrière le calendrier continuera. Mais s’il peut être utile, nous devons le saisir et continuer à échanger."
Emmanuel Tjibaou : "La responsabilité nous incombe d’accompagner notre pays sur le chemin à construire"
"Ce rapport est une opportunité pour témoigner de la situation critique dans laquelle notre pays se trouve. Ce qui a été mis aussi en avant le 13-Mai, c’est la défiance du politique, l’impasse de pouvoir faire aboutir les réformes, l’impasse d’achever le processus institutionnel. C’est de ça que les gens témoignent aujourd’hui, de cette colère portée sur nous, qui avons ces mandats, de ne pas se dépasser comme l’ont fait nos anciens, durant les accords précédents. La responsabilité nous incombe d’accompagner notre pays sur la suite qui va être celle du chemin à construire. La paix sociale a brûlé dans les carcasses des voitures, le 13-Mai. C’est à nous de formuler des propositions, qui prennent en compte la réalité qui est celle de cette incompréhension qui est sortie aux yeux de notre pays, aux yeux du monde, de la France. Il y a des personnes que j’aurais pu ne jamais rencontrer, et par cette dynamique engagée avec cette mission, on a pu entendre des voix de la mouvance indépendantiste ou nationaliste. Ces portes, elles m’étaient fermées ou je n’ai pas su les voir."
Par Les Nouvelles Calédoniennes