Près de dix jours après l’éboulement tragique de Afaahiti, propriétaires et locataires des maisons évacuées sont encore dans le flou. Certains, qui se disaient « délaissés » dans les premiers jours après le drame, ont fini par trouver des interlocuteurs côté Pays, et la situation s’est un peu éclaircie après la publication, ce jeudi, de l’arrêté d’évacuation de la mairie. Mais beaucoup de questions restent en plan. Quand pourront-ils retrouver leur maison ? Les assurances vont-elles indemniser ? La zone deviendra non-constructible ? Des travaux sont-ils à prévoir ? S’ajoutent les difficultés du déplacement, entre les logements d’urgence sans meuble, ou ceux qui n’accepte pas les animaux. Explications de notre partenaire Radio 1 Tahiti.
Plusieurs familles du quartier Te Honu de Afaahiti ne peuvent toujours pas retourner chez eux. Des maisons, situées à côté de celles qui ont été emportées par l’éboulement, restent interdites d’accès. Et les habitants ont beaucoup de questions et des difficultés à obtenir des réponses. Impossible pour les autorités à l’heure actuelle de donner une date de retour dans ces maisons, tous attendent les résultats de l’expertise.
Même les autorités judiciaires chargées de l’enquête ouverte quelques heures après le drame ne peuvent accéder au site pour des raisons de sécurité. Ces familles comprennent qu’il faut attendre mais aimeraient avoir des réponses pour le reste, notamment les démarches administratives pour faire reconnaitre leur situation de sinistré.
Une des propriétaires raconte d’ailleurs n’avoir encore jamais été contactée par qui que ce soit : « Jusqu’à aujourd’hui, personne encore nous a appelé. Nous avons appris l’éboulement dans les médias. ». C’est elle qui a joint l’agence immobilière qui gérait la location de la maison pour savoir si elle avait été touchée. Finalement, la maison est toujours debout mais aujourd’hui toujours interdite d’accès.
C’est en appelant le Haut-commissariat qu’elle apprend que des experts ont été envoyés sur le site et qu’il faudra donc attendre les résultats de leurs analyses pour décider quoi que ce soit. Le jour de la catastrophe, ses locataires ont été évacués et ont dû donner leurs clefs aux autorités. Depuis, ils n’ont pu rentrer dans la maison qu’une seule fois pour prendre quelques affaires et sont aujourd’hui relogés dans une résidence OPH.
Cette famille de quatre enfants dit s’être retrouvé « entre quatre murs sans aucun équipement électroménager ». Une situation déjà connue de la présidence qui assure que l’OPH et la DSFE allaient se rapprocher de ces familles.
Des logements d’urgence interdits aux animaux
D’autres locataires du quartier se plaignent aussi de ne pas avoir de nouvelles. Stéphanie Teipoarii, qui y habite avec ses deux filles, son époux et sa grand-mère, raconte qu’elle a dû se débrouiller pour trouver un logement par elle-même car les logements d’urgence mis à disposition n’acceptaient pas les animaux. Pas question pour eux de laisser leurs chiens. La grand-mère est chez un autre de ses enfants et Stéphanie et sa famille chez une amie avec les chiens.
Mais ils sont sur Paea, de l’autre côté de Tahiti, impossible donc d’envoyer ses deux filles de 5 et 9 ans prendre le bus pour aller à l’école jusqu’à Afaahiti. Aujourd’hui ils appellent régulièrement pour savoir quand ils pourront revenir chez eux. Ils veulent y retourner, ils n’ont pas les moyens de trouver une nouvelle maison à louer avec tous les frais que ça implique.
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Un autre foyer a rencontré le même problème : pas possible d’être logé puisqu’ils ont des animaux. « L’OPH a bien voulu nous reloger, mais sans les chiens. On peut comprendre que l’OPH ait des consignes claires sur les logements qu’il propose. Pour autant, on pense qu’il y a des familles qui ont des animaux et on aurait aimé un peu plus de compréhension. Actuellement, on est logé par une dame qui nous a hébergé gracieusement mais on doit partir lundi. Si on ne trouve rien d’ici là, ça va être compliqué », explique Nohorai, père de famille avec un enfant, un bébé en route, et deux chiens.
La présidence reconnait cette difficulté, aucun logement d’urgence n’a pu être proposé aux familles avec animaux de compagnie. Mais les choses évoluent : Nohorai dit avoir reçu jeudi une proposition de la DSFE.
Arrêté d’évacuation sorti jeudi
Pendant une semaine, le couple a également « couru après » l’arrêté d’évacuation pour avoir un document officiel permettant de suspendre les différents abonnements : électricité, Internet, mais aussi le prêt à la banque, sans savoir qui devait prendre ce fameux arrêté : Pays, État, ou commune ? Selon la présidence, cet arrêté doit être pris par le Haut-commissariat.
Et selon les services de l’État, « le bouclage de la zone en fonction des risques relève du maire de la commune. Il reviendrait donc à la commune la responsabilité d’informer ses habitants ». Et c’est bien la commune qui a fini par publier jeudi l’arrêté. Un soulagement pour Nohorai et sa famille. Ça a donc pris du temps mais il a bien ce qu’il faut en main pour faire avancer sa situation. Il comprend que cet éboulement est un événement exceptionnel et que peut-être les administrations sont aussi désemparées.
Reste que pour sa famille, il est compliqué d’imaginer leur avenir. « L’idée est de repartir sur une location en attendant mais si nos charges restent les mêmes ça va être très compliqué. Mais on n’a pas d’infos, on ne peut pas se projeter dans l’avenir, et c’est troublant et frustrant. On n’arrête pas, on fait tous les services, on repasse chaque jour, on montre qu’on est présent pour ne pas qu’on nous oublie. »
Zone reclassée dans PPR : « tout est possible »
Quelques jours après l’éboulement, certains propriétaires ont reçu des résiliations de bail des locataires et ils s’inquiètent de la suite. « Tout le monde désormais connait le quartier Te Honu de Afaahiti… Qui voudra venir habiter ici ? » Et pourront-ils seulement récupérer leur maison ? « Vont-ils laisser le secteur fermé ? Vont-ils faire des travaux ? Est-ce qu’ils vont déclarer la zone en catastrophe naturelle ? Je n’arrive à avoir aucune réponse à ces questions. »
Une propriétaire se tracasse de possibles futurs dégâts car la maison est aujourd’hui fermée, l’eau et l’électricité sont coupés. Que va devenir la nourriture stockée dans les frigos et congélateurs ? Elle a réussi à parler à quelqu’un à la présidence, mardi, une semaine après le drame. Ils ont pris ses coordonnées et assuré qu’ils la rappelleront.
Du côté de l’assurance, les nouvelles ne sont pas très bonnes : elle n’avait pas coché la case « événement climatique » et ne peut donc pas être prise en charge. La présidence explique que la déclaration de « catastrophe naturelle » ne changerait rien pour les assurances de ces personnes, elle permet par contre au pays de « faire fi des règles de marché public » pour engager des travaux ou des moyens rapidement.
Des propriétaires imaginent le pire : est-ce que leurs maisons vont être détruites et cette zone classée non-constructible ? Du côté de la présidence, on dit effectivement que « tout est possible », seuls les experts pourront donner des réponses à ces questions. Mais aujourd’hui, on ne sait pas quand leurs conclusions seront rendues. « Nous comprenons l’inquiétude des gens mais nous sommes obligés de laisser faire les experts pour avoir un avis éclairé sur la situation », a répondu la présidence.
Lucie Rabréaud pour Radio 1 Tahiti























