Covid-19 : En Polynésie, le long chemin de la rééducation

Le centre Ora Ora, ouvert en janvier 2020 sur l'île de Tahiti en Polynésie française ©TNTV

Covid-19 : En Polynésie, le long chemin de la rééducation

« Les gens ont été cassés. Ils ont vécu des jours, des semaines, de noyade ». Dans un centre de rééducation de Papeete, les patients empruntent le long et difficile chemin de la reconstruction après avoir frôlé l'abîme à cause du Covid-19.

Dans cette grande salle à la périphérie de Papeete, où des tapis de course côtoient des vélos d'entraînement, se trouvent neuf patients du groupe de rééducation, dont sept ont eu le Covid-19. Parmi eux, quatre restent dépendants pour respirer à l'aide de bouteilles d'oxygène plus ou moins lourdes selon leurs besoins. Ouvert en janvier 2020, le centre Ora Ora est un établissement en hospitalisation de jour qui s'est spécialisé dans la prise en charge en soins de suite et réadaptation pour les patients souffrant d'obésité et des comorbidités en lien.

« Autour du Covid, la première comorbidité, et assez souvent la seule, c'est l'obésité », rappelle le Dr Philippe Brugiroux, co-fondateur du centre Ora Ora, qui propose les services de diététiciens et de nutritionnistes en plus des kinésithérapeutes et autres ergothérapeutes. L'établissement a rapidement accueilli des patients sortis de réanimation après l'arrivée de la première vague de l'épidémie de Covid-19 en 2020. Et il accueille depuis le 24 août ceux de la deuxième grande vague, liée au Delta, qui a submergé la Polynésie depuis fin juillet.

« On est au tout début, nous allons augmenter », assure le Dr Philippe Brugiroux, cofondateur du centre. Ce lundi, le territoire comptait 206 personnes hospitalisées dont 43 en réanimation. « Les patients post-Covid qui arrivent à Ora Ora ont entre 2 et 6 litres d'oxygène par minute », ce qui n'est pas grand-chose par rapport aux 15 à 60 litres reçus en réanimation, et « notre objectif c'est d'arriver à un sevrage au repos et dans un deuxième temps un sevrage à l'effort », explique-t-il. Vaiana, une jeune femme passée par la réa, est sur la bonne voie. « C'est ma troisième semaine, et depuis déjà la deuxième, je n'ai plus besoin d'oxygène au repos », témoigne-t-elle.

« Je ne savais pas »

Walter Duvale, toujours dépendant de sa bouteille d'oxygène, souhaite, lui, retrouver rapidement ses capacités pulmonaires mais aussi ses fonctions cardiaques abîmées par la maladie. Passé de 128 à 110 kilos après son hospitalisation en réanimation, il a découvert avec les cours de la diététicienne que « tous les aliments que je mange, il y a du sel dedans, je ne savais pas », raconte-t-il, ajoutant qu'il veut encore maigrir.

« Ce sont des gens qui ont eu une cure d'amaigrissement sans le chercher », ils ont perdu en moyenne durant l'hospitalisation « dix kilos, mais ce n'est pas que du gras, ce sont aussi des muscles », et le corps doit réapprendre à fonctionner, indique le Dr Brugiroux. « On a pu sortir les gens de réa, mais il faut les reconstruire », car des semaines après la fin de leur hospitalisation, les patients souffrent toujours « de fatigue, de tachycardie à l'effort et de maux de tête », assure le médecin qui va plus loin : « les gens ont été cassés. Ils ont vécu des jours, des semaines, de noyade, leur préoccupation c'était la prochaine respiration », cela peut aller jusqu'à déclencher « des syndromes post traumatiques ».

« Ceux qui étaient sous oxygène à haut débit conscients, ils vont voir que les voisins peuvent mourir, on va changer les malades, on est un peu dans une médecine de guerre », ajoute-t-il. Pour le co-gérant du centre Daniel Monconduit kinésithérapeute, psychologue et docteur en anthropologie, outre les soins physiques « il y a une souffrance spirituelle à prendre en compte » pour les patients polynésiens qui ont eu le Covid qui se demandent « qu'est-ce que j'ai fait contre Dieu » pour vivre ça ?