Danseuse malvoyante, Fabienne Haustant partage sa passion avec les jeunes mahorais en difficulté

Danseuse malvoyante, Fabienne Haustant partage sa passion avec les jeunes mahorais en difficulté

Fabienne Haustant est une danseuse professionnelle pas comme les autres. Malvoyante, quasiment aveugle, elle danse pour prouver qu’elle ne vaut pas moins que les autres. La danse l’a sauvée et elle partage sa passion à travers ses ateliers appelés « Danse les yeux fermés » en région parisienne. Présente à Mayotte pour une durée de deux semaines, elle travaille auprès des jeunes suivis par protection de l’enfance en vue de tourner un clip vidéo et monter un spectacle en collaboration avec le chanteur M’toro Chamou. Un portrait de notre partenaire Mayotte Hebdo.

« Je suis née en dansant et je mourrai en dansant. » Ces quelques mots résument toute la vie de Fabienne Haustant. Âgée aujourd’hui de 48 ans, la danse l’a sauvée des clichés que l’on peut avoir sur les personnes déficientes. « Je refusais que mon handicap m’empêche de faire ce que je voulais faire. J’ai commencé à danser professionnellement sans que les gens sachent que j’ai un handicap parce qu’à partir du moment où ils savent qu’on en a un, ils ont leurs propres croyances et pensent qu’on ne sait rien faire », relate-t-elle. Fabienne a démontré le contraire en devenant danseuse professionnelle.

Reconnue dans toute la France, elle a participé à plusieurs émissions télévisées et a voyagé dans le monde pour transmettre sa passion. Depuis 2012, elle a créé son association « Danse les yeux fermés » destinée à tous ceux qui veulent aller dans son monde. « Ça peut être n’importe qui. J’ai eu des enfants autistes, des enfants en fauteuil, des enfants difficiles qui étaient placés dans des centres éducatifs fermés », détaille la danseuse qui se sent plus proche des jeunes, en raison de son enfance compliquée. Danser les yeux fermés permet à ses apprentis d’être en introspection afin de mieux trouver leur voie. Fabienne Haustant n’échangerait sa place pour rien puisque comme elle aime si bien le dire sur le ton de l’humour, « c’est une bigleuse qui fait danser les gens voyants, c’est assez ironique ! »

La protection de l’enfance à Mayotte, son nouveau défi

Fabienne Haustant a été approchée par la protection judiciaire de la jeunesse pour travailler avec les jeunes de l’ensemble de la protection de l’enfance de Mayotte qui sont placés, mais également ceux qui sont encadrés dans des structures telles que Mlézi Maorais, Messo, Maecha na Ounono ou encore Apprentis d’auteuil. La PJJ a en parallèle contacté le chanteur M’toro Chamou pour une collaboration avec la danseuse. « M’toro Chamou a fait une chanson qui parle de la protection de l’enfance, elle prévient les violences et la radicalisation. Et moi, je vais monter un spectacle avec les enfants et faire un clip qui sera prêt pour septembre », annonce, impatiente, Fabienne Haustant. Le vidéo clip sera tourné à Mamoudzou pour mettre en valeur la commune chef-lieu de l’île. 

Mais avant le jour J, l’artiste rencontre les jeunes par petits groupes afin de mieux les connaitre et travailler avec eux. « Je ne juge pas pour savoir comment ils dansent, ce qui m’intéresse c’est l’unité qu’on va avoir. On sera 50 à faire le clip et le spectacle, on devra être unis », précise l’artiste. Par la suite, ces jeunes, qui sont sous la responsabilité de la justice, qui sont placés, et parfois délinquants, porteront le message de la protection de l’enfance. « Le concept danse les yeux fermés a marché avec des jeunes très violents, en centres éducatifs fermés, alors il n’y a pas de raison que ça ne marche pas avec ceux de Mayotte », estime Fabienne Haustant, qui porte beaucoup d’espoir en ce projet.

Les jeunes mahorais du talent

Depuis son arrivée à Mayotte, la danseuse passe ses journées avec ses nouveaux apprentis et elle est impressionnée par leur talent. « Ils me disent qu’ils ne savent pas danser, mais en réalité, ils savent danser ! Ici, c’est une île à talents », martèle Fabienne, qui prend un malin plaisir à partager sa passion avec ces jeunes qui n’ont jamais vécu une expérience similaire. « Je commence les ateliers avec de la musique classique, ensuite des chansons qu’ils n’entendent pas, pour voir comment ils réagissent et enfin, je termine par une musique de M’toro Chamou. Et les jeunes sont contents, ils font sans broncher », se réjouit-elle.

Tout cela les yeux bandés pour qu’ils réalisent que même s’ils ne voient pas, ils restent les mêmes. « Si le monde donnait confiance aux jeunes de Mayotte comme j’ai pu leur donner, vous auriez des têtes pensantes. Ils ont besoin d’être soutenus et compris par l’adulte. Ce sont des soleils qui brillent et c’est à nous de les aider à les faire briller », poursuit-elle avec l’envie de mener à bien son projet avec ces jeunes comme pour prouver que même s’ils sont souvent stigmatisés et non protégés, ces enfants sont également la richesse de Mayotte. 

Raïnat Aliloiffa pour Mayotte Hebdo.