"Studio Debs", le documentaire du réalisateur martiniquais Miguel Octave, primé au Mexique, en lice dans les festivals internationaux de Toronto et du Royaume-Uni

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"Studio Debs", le documentaire du réalisateur martiniquais Miguel Octave, primé au Mexique, en lice dans les festivals internationaux de Toronto et du Royaume-Uni

En 2022, Miguel Octave présentait Studio Debs, un documentaire retraçant les parcours des frères Debs, originaires de la Guadeloupe, qui ont marqué l’histoire de la musique caribéenne. À l’époque, la diffusion, programmée en Guadeloupe et en Martinique, ne s’était pas faite sans mal. Deux ans plus tard, le film connaît un nouvel essor avec deux prix remportés, il y a quelques semaines, au Mexique, ainsi que des participations à de prestigieux festivals au Canada et au Royaume-Uni. Une reconnaissance internationale qui conforte le réalisateur martiniquais dans sa volonté de raconter les histoires de celles et ceux qui ont façonné les Antilles.

 

C’est tout en musique et sur une photo d’Henry Debs, légende de la musique antillaise, que le documentaire écrit et réalisé par Miguel Octave commence. « C’est l’histoire de deux frères issus d’une famille libanaise installée à la fin du 19e siècle en Guadeloupe. L’un d’eux aurait dû être simplement vendeur, reprendre l’atelier de ses parents, mais c’était un passionné de musique. Il monte alors un studio. Il était musicien, auteur, compositeur, interprète, producteur et devient quelqu’un de majeur pour l’industrie dans la région. Son frère, lui, part en Martinique et fait son chemin lui aussi. Là, une « compétition » s’installe. De ce « conflit » naît l’explosion de nos musiques dans les années 90. C’est presque une tragédie grecque ! C’est ce que je trouve intéressant et cette histoire peut s’adapter à tous les pays. » C’est probablement ce qui a plu au Puerto Aventura International Film Festival, qui s’est déroulé en avril dernier au Mexique, où le réalisateur a remporté le prix du « Meilleur Documentaire Musical » et celui du « Meilleur Sound Design ». L’élan international dans lequel Studio Debs est lancé ne semble pas retomber, puisqu’il est nommé au Black and Diversity Film Festival de Toronto dans les catégories « Best International Documentary Film » et « Best Caribbean Film ». Les résultats tomberont le 31 mai prochain. En juin 2024, Miguel Octave participera au Windrush Caribbean Film Festival, au Royaume-Uni. De quoi encourager le réalisateur à poursuivre ses projets.

Raconter les histoires qui ont fait l’Histoire

Ce succès et cet engouement international, Miguel Octave les espérait même s’il ne s’y attendait plus. « Cette reconnaissance internationale, c’est un soulagement, même si curieusement, le film ne prend son envol que deux ans après sa diffusion. Cela prouve que nous avons, nous aussi, des choses à raconter au monde. Nous avons du mal, dans nos cultures, à croire que nous pouvons intéresser les autres. Or, les faits sont là : nous sommes universels. Nos histoires intéressent. » Après avoir réalisé un premier documentaire La Martinique, seconde patrie du Kompa..? dont on parle encore aujourd’hui, et un deuxième, Qu’elles nous enchantent..!, qui aborde l’image de la femme dans la musique antillaise ; c’est donc un autre pan de la musique caribéenne que le Martiniquais a mis en avant à travers l’histoire de ces deux frères. Et des histoires, il souhaite en raconter beaucoup d’autres encore. « Nous avons beaucoup d’histoires à raconter. Il suffit d’écouter les gens. Nous venons d’une culture orale, donc beaucoup de cette mémoire collective se perd, mais il y a une multitude de sujets à explorer. » Pour Miguel Octave, ces histoires doivent parler des hommes et des femmes des Antilles, à travers la musique. « Ça touche tout le monde. C’est une mémoire, une mémoire patrimoniale. Il y a des textes importants dans l’histoire de nos musiques. Ce sont parfois de vrais engagements, de vrais discours politiques, qu’il nous faut collecter, étudier, transmettre. »

 La musique comme lien

C’est parce que Miguel Octave est lui-même passionné de musique qu’il prend tant de plaisir à raconter les histoires qui l’entourent. « Nous avons tous une histoire avec la musique. Moi, quand j'avais de bonnes notes à l'école, mes parents m'offraient des disques, ou je me permettais d’en acheter. Chaque vinyle qu’il y a chez moi est rattaché à un souvenir. » C’est cette passion qui le pousse à poursuivre des études pour devenir ingénieur du son. « Je voulais faire de la musique, on m’a dit passe le Bac d’abord. Je me suis dit, pour contourner l’autorité parentale, que j’allais devenir ingénieur son. Ingénieur, c’est sérieux », raconte-t-il avec humour. C’est ainsi que commence sa longue aventure dans le milieu de l’audiovisuel pendant 30 ans. Des émissions cultes, à l’instar de Taratata, en passant par des captations de concerts des artistes les plus prestigieux, Miguel Octave rencontre les bonnes personnes, travaille d’arrache-pied et évolue dans ce milieu pendant des années. Parmi ses réalisations, la captation de la comédie Casse-noisette au Grand Palais de Lille en 2022, le concert de Tiken Jah Fakoly à l’Olympia en 2023, ou encore, il y a quelques jours, la réalisation du concert du mythique groupe Kassav’ qui s’est déroulé le 18 mai dernier à l'Accor Arena de Bercy. La semaine prochaine, c’est à Marseille qu’il posera ses valises dans le cadre du festival de La 1ère . Malgré ces nombreux projets, Miguel Octave souhaite poursuivre la réalisation de ses documentaires. « Cela demande énormément de travail parce que comme nous venons d'une culture orale. Il y a très peu d'archives, donc il faut aller chercher les gens. Cela demande du temps. Mais les derniers événements m’encouragent à continuer », conclut le réalisateur.

Abby Said Adinani