Portrait. Arold Jandia, un Martiniquais à la conquête du Japon

© Maison Jandia Saïto

Portrait. Arold Jandia, un Martiniquais à la conquête du Japon

En ce dernier weekend des Jeux Olympiques de Tokyo qui laisse la place aux Jeux Paralympiques, direction la capitale japonaise à la rencontre d’un Martiniquais installé sur place depuis à peine plus de six mois. Avec son épouse japonaise Miki Saïto, Arold Jandia, dont la famille est originaire du Marin, a ouvert une boulangerie pâtisserie dans un quartier de Tokyo : Maison Jandia Saïto. Portrait avec notre partenaire RCI Martinique.

 

 

Les jeux Olympiques se terminent dans la capitale japonaise. Mais tous les matins aux aurores, un Martiniquais débute à peine sa journée, et vit son rêve à Tokyo.

De nombreux métiers auront pavé la vie d'Arold Jandia, ce touche-à-tout né au Marin puis élevé dans la Meuse et en Normandie. Tour à tour animateur télé sur RFO, comédien, steward puis chef de cabine sur Air France, c'est à bord d'un long courrier entre Paris et Tokyo qu'il rencontre sa future épouse, Miki Saïto. Miki est japonaise, elle sera son alliée. 

Des aventures professionnelles se succèdent, mais la vie personnelle d'Arold est bercée par la cuisine : «A mon adolescence, j'ai été bercé par Michel Oliver et ses émissions culinaires le dimanche dans la Meuse. Je cuisinais, je pâtissais, pour ma famille, pour moi, pour les anniversaires... J'ai toujours aimé cuisiner, mais pour partager. Lorsque je faisais quelque chose, je goûtais à peine, et je donnais aux voisins, aux amis».

Puis petit à petit, Arold se passionne pour le pain, et cherche à améliorer sa technique. Le plaisir qu'Arold éprouve à faire son propre pain au levain est intense. Si bien qu'il finit par formuler son rêve resté enfoui jusqu'ici. En 2019, il se rend à l'évidence : il ne veut pas faire carrière dans l'aviation, mais souhaite devenir boulanger. Il décide alors de se vouer à sa passion d'adolescent, tout en y alliant son amour pour le pays du soleil levant.

Un virage à 380 degrés qu'il prépare minutieusement puisqu'il intègre l'illustre Ecole Ferrandi en boulangerie et profite du confinement de 2020 pour suivre sa formation. Pour s'en donner les moyens, il vend sa maison, et se souvient de cette période difficile : « J'ai demandé la permission à Air France de partir en formation sans solde, j'ai payé ma formation car je n'ai pas été financé, j'ai fait ma formation en plein Covid, et on a eu la bonne idée de vendre notre maison juste avant le Covid. On est resté confinés dans un petit deux pièces, ma femme était enceinte. On a attendu presque 6 mois après la formation pour que le Japon rouvre pour ceux qui avaient une demande de visa»

Et le départ tant attendu pour Tokyo se profile enfin en décembre 2020. Une fois sur place, l'heure est à la recherche du local pour installer Maison Jandia Saïto. Dans cette mégapole gigantesque, le couple arpente les rues en vélo et en transports, pour trouver le site idéal. Mais Arold est étranger, et même accompagné d'une Japonaise de naissance, ce statut ne facilite pas les recherches. 

Alors qu'ils commencent à perdre espoir, une réunion d'information s'organise dans un quartier de Tokyo très peu connu et en perte de vitesse. La propriétaire d'un local leur fait finalement confiance et le rêve prend forme : «On a été adopté par le quartier et on a adopté ce quartier. On y est tellement bien !»

Et les abonnés d'Arold sur Facebook ne sont pas en reste : ils sont des dizaines à suivre assidûment les semaines de recherches du local, les travaux, le quotidien familial avec Miki et Yamato, ou encore la vie au Japon.

© Maison Jandia Saïto 

Un véritable succès

Maison Jandia Saïto ouvre finalement en juin 2021 et connaît un véritable succès dans le quartier et même au-delà. Dès l’ouverture, de longues files d'attente se créent sur le trottoir. Les Japonais sont friands des créations boulangères d'Arold.

C'est une fierté pour Arold de créer ses viennoiseries et pâtisseries qui séduisent par leur simplicité autant que par leur goût. S'il est étranger au Japon et de surcroît homme noir, Arold vit cette différence et les regards interrogateurs voire inquisiteurs avec détachement : « Au Japon, oui, il y a surement des gens qui ne nous aiment pas pour ce qu'on est, mais c'est à nous de monter qui l'on est, que l'on respecte leurs us et coutumes. Car c'est un pays ancré dans la modernité, mais avec des traditions incontournables. Et il faut les respecter»

© Maison Jandia Saïto 

Et le métissage offre une nouvelle réalité aux rues tokyoïtes. Arold Jandia et son petit garçon Yamato, métis antillais-japonais, sont témoins et acteurs de ce changement : « Tous les matins, on se promène à 5 heures du matin avec Yamato. Quand il ne savait pas marcher, il était dans les bras. On découvrait nos petites rues. Et maintenant qu'il sait marcher, toutes les mamies nous reconnaissent dans la rue. Car je fais les choses comme il faut»

Le sourire aux lèvres, Arold et sa famille se jouent des frontières. Alors pour boucler la boucle, la suite idéale serait d'ouvrir un jour une Maison Jandia Saïto en Martinique. Un rêve que partage Arold comme une promesse, certainement pas inatteignable. Les projets intrépides, il connaît.