Elle a chanté sur les plus grandes scènes du monde. Son talent unique et sa beauté charismatique ont soulevé les amateurs d’opéra des décennies durant. Souvent comparée aux cantatrices afro-américaines Jessye Norman et Barbara Hendricks, la soprano martiniquaise Christiane Eda-Pierre décédait il y a déjà deux ans, le 6 septembre 2020, à l’âge de 88 ans. Outremers 360 revient sur son parcours.
Christiane Eda-Pierre était-elle destinée à la musique et aux arts ? On pourrait aisément le croire lorsqu’on examine son ascendance. Sa mère, Alice Nardal, était professeur de musique à Fort-de-France, et l’initie dès l’âge de sept ans au piano. Son grand-père et sa grand-mère étaient également pianistes et organistes. Son père, William Eda-Pierre, était journaliste. Quant à ses tantes maternelles, c’étaient les célèbres Jane et Paulette Nardal, fondatrices du salon littéraire éponyme et instigatrices avant l’heure du mouvement de la négritude.
Après ses années de lycée en Martinique, la jeune Christiane arrive à Paris en 1949. Elle a alors 17 ans et entre à l'École normale de musique de Paris pour y poursuivre l’étude du piano, où elle excelle depuis son enfance. Mais dans la capitale ses professeurs lui découvrent un don inestimable, sa voix ! Christiane Eda-Pierre prend elle-même goût au chant et cette nouvelle passion va l’emporter sur le piano. Elle intègre donc le Conservatoire national supérieur de musique de Paris où elle prend des cours de chant et de diction auprès des plus grands maîtres de ces matières. Elle termine avec succès le Conservatoire en 1957, avec plusieurs prix et récompenses.
Christiane Eda-Pierre entame alors une carrière d’interprète lyrique, comme soprano. À 26 ans, elle débute dans l’opéra en trois actes de Charles Bizet, Les Pêcheurs de perles, dans la ville de Nice. Un an plus tard, on la retrouve au prestigieux Festival d’Aix-en-Provence pour La Flûte enchantée de Mozart. Quelques autres apparitions et sa réputation est faite. En 1960, elle rejoint l’Opéra national de Paris et l’Opéra-Comique de Paris au sein de la Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux.
Regardez cette scène d’anthologie quand Christiane Eda-Pierre chante avec Luciano Pavarotti dans le Rigoletto de Verdi, en 1981 à New York
Trentenaire, sa carrière internationale décolle : Londres, Berlin, Lisbonne, Venise, Vienne, Salzbourg, Budapest, Chicago, New York… Elle chante aux côtés des plus grands ténors comme Placido Domingo et Luciano Pavarotti (voir vidéo ci-dessus), sous la direction de chefs d'orchestre de renom comme Seiji Ozawa, Daniel Barenboim et Pierre Boulez, entre autres. Christiane Eda-Pierre est particulièrement appréciée pour son aisance dans tous les registres du classique, passant sans effort du style baroque au contemporain.
Ayant le goût de transmettre, l’artiste est aussi enseignante. De 1977 à 1997, elle est professeure au Conservatoire national supérieur de musique de Paris ainsi qu’à la Schola Cantorum, un institut privé d’enseignement supérieur de musique et d’art dramatique de la capitale. Certaines de ses élèves deviendront des cantatrices de réputation internationale, comme la soprano Magali Léger. Parallèlement, elle assure des « master class » et réalise de nombreux enregistrements radiophoniques et de disques. Elle est également présidente d'honneur de l'Académie de l'Opéra-Comique.
Écoutez Christiane Eda-Pierre dans Les Contes d'Hoffmann (Offenbach)
En 1985, elle fait ses adieux à la scène lyrique en interprétant une dernière fois un opéra de Mozart, compositeur qu’elle affectionnait particulièrement (elle chanta notamment dans Don Giovanni, Les Noces de Figaro, L'Enlèvement au Sérail…). Elle continue toutefois à enseigner et à enregistrer. Christiane Eda-Pierre s’éteindra le 6 septembre 2020 dans une commune des Deux-Sèvres, où elle est inhumée bien loin de sa Martinique natale, auréolée de son immense réputation. Elle était mariée au célèbre maître d’armes Pierre Lacaze (décédé en 2006) et mère d’un enfant.
► Ce 6 septembre à 22h45, France 4 consacre une émission spéciale à la cantatrice intitulée « Christiane Eda-Pierre, en scène ». Un documentaire de 50 minutes se penchera sur son parcours familial et professionnel mais aussi sur les racines de l’art lyrique aux Antilles.
PM