INTERVIEW. Alice Le Dret, en charge de l’étude d’impact social pour le compte de la Fondation du SMA : « 90% des jeunes ont davantage confiance en eux après l'accompagnement de la Fondation »

INTERVIEW. Alice Le Dret, en charge de l’étude d’impact social pour le compte de la Fondation du SMA : « 90% des jeunes ont davantage confiance en eux après l'accompagnement de la Fondation »

Deux ans après sa création, la Fondation du Service militaire adapté (FSMA), présidée par le général Jean-Pierre Metz, a confié au cabinet d’innovation sociale Ellyx une première étude d’impact sur les jeunes ultramarins qu’elle accompagne, menée sur environ six mois à partir d’une soixantaine de parcours dans les territoires d’outre-mer, afin d’éclairer sa stratégie, dès 2026. Jugée décisive par la Fondation, cette évaluation vise à vérifier que ce nouvel outil d’insertion socio-professionnelle répond réellement à sa mission et à poser les bases de son développement futur. Pour Outremers360, le général Jean-Pierre Metz et Alice Le Dret, consultante-chercheuse chez Ellyx qui a mené cette enquête, font le point.

Outremers360 : pourquoi avoir commandé une étude d'impact aussi tôt, alors que la Fondation n'a que deux ans d'existence ?

Général Jean-Pierre Metz : Nous avons souhaité très rapidement initier une démarche de mesure de ce que produisait la Fondation, tout simplement parce que quand on crée une nouvelle structure, il me semble extrêmement important de savoir si elle répond bien à la mission pour laquelle elle a été créée et ce qu'elle apporte par rapport à ce qui existait déjà. La question de fond est : qu'est-ce qui se passerait si la Fondation du SMA n'était pas là ou n'était plus là ? C'était important de savoir très vite si nous étions engagés sur la bonne voie. De manière plus pragmatique, nous avions deux objectifs : conforter les partenaires qui nous accompagnent dans cette aventure, et disposer d'un outil extérieur qui nous permette de valoriser ce que nous faisons pour essayer d'en trouver de nouveaux. Notre ambition à terme est de créer un réseau très large de tous ceux qui œuvrent au sein de la Fondation et de tous ceux qui en ont bénéficié.

Comment cette étude a-t-elle été menée ?

Alice Le Dret : Elle a été menée sur environ six mois.  Pour la phase de collecte des données, qui a duré trois mois, nous nous sommes appuyés sur une étude quantitative avec des questionnaires déployés auprès des jeunes accompagnés par la Fondation. Nous avons récolté une soixantaine de retours. Nous avons complété ces données par des entretiens qualitatifs avec une quinzaine de jeunes, ce qui nous a permis, au-delà des chiffres, de raconter les parcours de vie et d'apporter des nuances. Il était aussi important d'interroger les partenaires de la Fondation : les membres du COMEX, qui sont des entreprises, des institutions, des acteurs de l'action sociale, mais également des partenaires et associations locales situés dans les différents territoires d'outre-mer. La valeur de la Fondation ne se mesure pas seulement au niveau de l'accompagnement apporté auprès des jeunes, mais aussi sur le rôle joué au sein des écosystèmes et la capacité à faire le lien entre les besoins des jeunes et ceux des entreprises.

Qu'est-ce qui fait la différence entre votre approche et les dispositifs plus classiques ?

Général Jean-Pierre Metz : Nous nous sommes situés résolument dans un contexte de proximité. Premier principe : nous sommes déployés au plus près des territoires de manière à être certains de correspondre aux besoins des territoires. Deuxième axe : nous faisons confiance aux jeunes que nous appuyons. Par exemple, nous leur versons directement les bourses que nous leur octroyons. Beaucoup d'acteurs nous ont dit que si nous faisions ça, l'argent allait disparaître, mais c'est un principe de responsabilité et de confiance envers les jeunes. Nous avons aussi mis en place un suivi individualisé des jeunes. Nous sommes un acteur qui permet à ces jeunes qui veulent se lancer dans la création d'activité de rencontrer des acteurs économiques du territoire, des responsables qui permettent de structurer leurs projets. 

Alice Le Dret : Pour apporter une perspective complémentaire, j'ai réalisé beaucoup d'évaluations sur des sujets similaires. Ce que je peux constater, c'est que le caractère différentiel de la Fondation est double. Premièrement, ils ne plaquent pas des dispositifs : la Fondation dispose d'outils, mais on part toujours du profil des jeunes, de leurs envies, de leurs projets, et c'est à partir de ça qu'on va construire différentes solutions. On est vraiment dans une logique bottom-up. La Fondation est un acteur agile qui va toujours trouver des solutions. Deuxièmement, sur l'aspect territorial, la valeur de la Fondation n'est pas de faire à la place d'autres acteurs, mais de créer des liens et des synergies entre les ressources qui existent déjà sur les territoires d'outre-mer. 

Quels sont les chiffres clés à retenir de cette étude ?

Alice Le Dret : Plus de 40% des jeunes accompagnés sont en emploi, ce qui double ce chiffre par rapport à leur situation avant l'accompagnement. Sur la formation professionnalisante, nous sommes passés de 12% de jeunes en parcours de formation à plus de 30%. 90% des jeunes ont davantage confiance en eux après l'accompagnement de la Fondation, ce qui montre qu'on n'est pas seulement sur une logique d'insertion à court terme, mais qu'on crée bien les conditions pour que les personnes soient en maîtrise et en autonomie dans leur vie professionnelle ou personnelle. 70% des jeunes déclarent qu'ils se sentent davantage ancrés sur leur territoire, et 90% souhaitent continuer à y vivre ou y travailler. Sur le volet entrepreneurial, 60% des jeunes accompagnés sur la création d'entreprises ont pu créer leur entreprise, et 73% de ces entreprises étaient toujours en activité au moment de notre étude. Sur la deuxième fonction de la Fondation, à savoir mettre en énergie et en coopération les acteurs, ce sont des effets qualitatifs difficiles à mesurer en données chiffrées pour le moment, mais nous avons eu des retours et témoignages qui montrent bien ces dimensions.

Quels sont les défis identifiés pour 2026 après cette étude ?

Général Jean-Pierre Metz : Notre souhait, c'est de continuer à travailler sur l'impact que nous produisons. Ce n'est pas un one-shot : nous allons essayer de nous inscrire dans la durée et d'ajuster l'offre de la Fondation par rapport à ce qu'on va pouvoir mesurer.

Alice Le Dret :  Nous avons formulé trois recommandations principales : modéliser un peu plus les pratiques et la manière d'accompagner les jeunes, notamment au sein des différents territoires. Il y a une dépendance aux personnes qui fait la valeur de la Fondation, mais peut aussi fragiliser les projets si des personnes partent. Il s'agit de partager les pratiques et formaliser un peu plus les méthodes d'accompagnement.Deuxièmement, renforcer l'intégration territoriale des associations locales et de la Fondation. Le travail partenarial est pour le moment animé par les associations locales et la Fondation dans son corps national. Si on veut pousser la dimension d'ensemblier sur les territoires, créer des synergies et de nouvelles opportunités de développement, il va falloir muscler ce volet au niveau local. Troisièmement, la Fondation peut davantage assumer ce rôle de pôle de ressources territorial sur la perception des besoins des différents acteurs et leur mise en action. Parce qu'elle est ancrée et qu'elle connaît bien les besoins, elle est en capacité de capitaliser sur ces connaissances et de les transformer en solutions.

Comment allez-vous concrètement mettre en œuvre ces recommandations ?

Général Jean-Pierre Metz : Sur la modélisation, nous allons davantage organiser des séminaires avec l'ensemble de nos salariés sur les territoires. On les fera une fois en présentiel à Paris, mais surtout tous les deux-trois mois en visio pour partager les bonnes pratiques. Le deuxième volet sera notre point d'effort de 2026 : la territorialisation des associations. Nous allons faire en sorte que les associations soient mieux connues et davantage présentes sur les territoires pour renforcer notre action. Cela passera forcément par des moyens un peu plus importants et donc des partenariats. Sur le troisième volet, nous sommes encore en train de réfléchir…

Quel est le planning à venir ?

Général Jean-Pierre Metz : Fin janvier, nous serons en Guyane. Nous poursuivrons ensuite dans l’océan Indien. Puis nous nous rendrons de nouveau en Guadeloupe, car plusieurs sujets nécessitent un suivi particulier. Enfin, nous irons également à Saint-Martin, où une ouverture est en préparation.

Est-ce que la Fondation a atteint son rythme de croisière ?

Général Jean-Pierre Metz : Nous avons tenu récemment un comité exécutif qui a validé 45 nouveaux projets, déjà inscrits pour 2026. Avec nos équipes actuelles et un budget compris entre un million et demi et deux millions d’euros, nous estimons que notre rythme de croisière doit se situer autour de 200 à 250 projets par an. Or, avec ces 45 projets validés, sachant que nous en tenons quatre par an, nous sommes déjà proches du rythme visé. Pour répondre clairement, oui, la Fondation s’approche du rythme de croisière que nous avions imaginé au départ. Il faut dire que notre déploiement a été beaucoup plus rapide que prévu. Au moment de la création de la Fondation, il y a deux ans, nous pensions mettre en place les associations locales sur quatre ou cinq ans. Finalement, nous avons pu tout achever en un an et demi, notamment grâce à l’engagement d’un partenaire majeur. Si nous souhaitons aller au-delà de ce rythme, il faudra disposer de moyens supplémentaires et renforcer encore notre organisation mais pour l’instant, nous avançons même plus vite que ce que nous avions anticipé.