Grand Entretien : Monseigneur Jean-Yves Riocreux, un sacerdoce dédié à l'Océanie et aux Antilles

Grand Entretien : Monseigneur Jean-Yves Riocreux, un sacerdoce dédié à l'Océanie et aux Antilles

Originaire de la commune de Marlhes dans la Loire, Monseigneur Jean-Yves Riocreux gardera tout au long de sa mission épiscopale un lien profond avec les régions ultramarines. Ordonné prêtre à Nouméa dans les années 1970 puis nommé évêque de Guadeloupe de 2012 à 2021, l'actuel coordinateur de l'Aumonerie des Antilles et de Guyane à Paris, revient pour Outremers360 sur son parcours, sur ses missions dans ces différentes territoires des Outre-mer et sur ses activités actuelles avec les ultramarins.

 


Fils d'un négociant en bois, Jean-Yves Riocreux entreprend d'abord des études forestières en Corrèze après une scolarité chez les Frères maristes. Agé d'une vingtaine d'années, Jean-Yves Riocreux s'envole pour la Nouvelle-Calédonie en 1967 où il est coopérant au collège-séminaire de Païta (Nouvelle Calédonie).  « J'ai eu ce lien très tôt avec l'outre mer et particulièrement avec l'Océanie, dès les années 1967-1969. Quand j'ai accompli à l'époque, ce qu'on appelait les obligations militaires dans le cadre d'un service civil dans l'enseignement catholique, au petit séminaire de Païta, près de Nouméa. Durant ces deux premières années, j'étais surtout avec des Kanak, des Wallisiens, des Tahitiens, des habitants, des jeunes. C'est ainsi que j'ai connu ce monde océanien, mélanésien comme on disait à l'époque.». Après deux ans sur le Caillou, Jean-Yves Riocreux devient séminariste: il effectue son premier cycle à Issy-les-Moulineaux, des études qu'il poursuit ensuite au sein de Saint Mary’s Seminary and University de Baltimore aux Etats-Unis.  

A la fin de ses études de théologie, Jean-Yves Riocreux est ordonné prêtre le 22 février 1974 dans le diocèse de Nouméa, territoire  avec lequel il avait gardé contact depuis son service militaire. « J'ai pris la décision de me faire ordonné prêtre pour le diocèse de Nouméa, ce qui fut le cas en 1974, même si j'ai été ordonné dans ma région natale, près de près de Saint-Etienne, puisque c'était le plus approprié pour permettre d'associer la famille et tout ce que je connaissais à l'ordination dans notre village. Je suis parti et je suis parti dans un pays que je connaissais. Bien là, je suis dans une église qui s'appelle l'Église du Voeu. Parallèlement, j'assure la communication du diocèse de Nouméa. Ce qui me vaut donc de connaître tout le monde journalistique, d'être introduit dans la vie de la Nouvelle-Calédonie ou je suis resté pendant douze années, c'est-à-dire jusqu'en 1986.  Quand j'ai été de retour comme prêtre à Nouméa, j'étais plutôt dans un milieu européen. Et ce qui me fascinait, c'était de voir à la cathédrale de Nouméa dont j'étais le curé, voir ces populations mélangées et heureuses d'être ensemble. Et c'est la grande mission de l'Eglise, c'est de faire justement ce que la diversité et se fondre dans une unité dans la foi». 

Durant ces douze années, le Père Jean-Yves Riocreux vivra avec les jeunes calédoniens catholiques plusieurs temps forts et notamment. Cela a été particulièrement marquant lorsque le pape Jean-Paul II est venu dans la région, précisément aux îles Salomon, où nous étions allés avec une délégation dans ce petit pays. Nous sommes allés sur l'île de Guadalcanal, nous avions mis une grande banderole. On avait beaucoup réfléchi sur la banderole que nous allions faire et la phrase que nous allions mettre. Nous avions écrit : Nouvelle Calédonie, tous frères en Jésus-Christ, pour dire cette fraternité. Cela a été un très beau moment que nous avons vécu. C'était en mai 1984». « J'ai quitté la Nouvelle-Calédonie, mais je suis toujours resté en lien. Et encore maintenant, puisque je suis revenu à Paris où il y a la semaine dernière par exemple, j'ai célébré la Saint-Pierre Chanel qui est une fête importante pour l'Océanie puisque c'est l'apôtre du Pacifique. Il est mort martyr à Futuna en 1900.»

De retour à Paris, Jean-Yves Riocreux où il est aumônier des étudiants de l'Institut catholique de Paris de 1987 à 1992, avant d'être curé-doyen de la paroisse Saint-Ferdinand des Ternes et Sainte-Thérèse-de-l'Enfant-Jésus de 1992 à 2001, puis recteur de la cathédrale Notre-Dame de Paris jusqu'en 2003. Parallèlement, le lien avec l'Océanie est très présent puisqu'il est Aumônier des Océaniens de Paris de 1992-2003. «J'ai gardé beaucoup de liens avec la Nouvelle-Calédonie, dans les paroisses successives où j'étais, c'est à dire à Saint-Pierre de Chaillot, dans le 16ᵉ arrondissement, à Saint-Christophe de Javel, dans le 15ᵉ arrondissement, puis après dans le 17ᵉ arrondissement, où je restais plus de dix ans à Notre-Dame de Compassion et surtout à la Grande Paroisse de Saint-Ferdinand des Ternes, où nous avons accueilli beaucoup de monde, des jeunes, des étudiants, des familles qui venaient participer à la vie de cette paroisse. Tout cela ayant été marqué par le grand événement, les Journées mondiales de la jeunesse en 1997, ou près de 1000 jeunes sont venus d'Océanie. Et ça a été un moment très marquant pour la paroisse. C'était la rencontre à la fois de Parisiens d'un quartier près de l'Arc de triomphe de Paris. Et puis ces jeunes qui venaient de Nouvelle-Calédonie, de Wallis et Futuna, de Tahiti, mais aussi de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie. Ce qui veut dire aussi que j'avais ce lien et même la mission officielle d'aumônier des Océaniens».


Au début des années, Jean-Yves Riocreux devient Recteur de la cathédrale Notre-Dame de Paris (2001-2003) avant d'être nommé Evêque de Pontoise en 2003. Il est consacré le 29 juin 2003 par l'archevêque de Paris, le cardinal Jean-Marie Lustiger, assisté de Monseigneur Michel-Marie Calvet, archevêque de Nouméa, et du consul honoraire de l'académie pontificale pour la Nouvelle-Calédonie. En 2012, il est nommé par le Pape Benoit XIII évêque de Guadeloupe, en remplacement de Monseigneur Ernest Cabo, qui avait atteint la limite d'âge. « J'ai accepté cette mission parce que je savais qu'il n'y avait pas d'évêque depuis quatre années. Pour moi, c'est un grand défi, une nouvelle aventure. Mais cette aventure s'enracinait aussi dans mon passé. C'est la raison pour laquelle quand il fallait un évêque en Guadeloupe, mon nom a été choisi car je connaissais les îles. J'ai sillonné le Pacifique, mais aussi La Réunion, je suis allé très souvent à l'île Maurice. Je suis même allé à Mayotte donc je connaissais l'outre-mer. La région du monde que je ne connaissais pas, c'était les Antilles».


Durant ces neuf années où Monseigneur Riocreux sera « le pasteur de la Guadeloupe», il va s'atteler à deux missions : la jeunesse et les vocations. Tout au long de son épiscopat, il ordonnera une demi-douzaine de prêtres et de diacres locaux. Il a été aussi marqué par la vitalité de ces communautés et de leur ferveur. « Le témoignage de la foi est donné par les générations plus anciennes aux générations montantes. Je vois bien le rôle que jouent par exemple les grands-mères Mais c'est impressionnant parce que dans certaines paroisses, il y a des centaines et des centaines d'enfants au catéchisme, ce qui n'est pas le cas, par exemple maintenant dans nos campagnes françaises. Ce qui m'a impressionné en arrivant aux Antilles en 2003 comme évêque et ayant entre temps beaucoup voyagé en Afrique, c'est de voir aussi les similitudes à la fois culturelles qui existent entre l'Afrique et les Antilles, puisque c'est l'histoire, même si l'histoire a été dramatique, douloureuse avec l'esclavage, mais qu'il y a un fond culturel identique. C'est vrai qu'une messe dans une paroisse de campagne française n'est pas tout à fait la même chose qu'une messe dans une église en Guadeloupe, en Nouvelle-Calédonie ou en Afrique. C'était que les gens non seulement chantaient, mais ils dansaient aussi . Donc, ça veut dire aussi que c'est un beau témoignage qu'ils montrent de par leur ferveur et leur participation à la vie de l'Église».

Monseigneur Riocreux aves des séminaristes guadeloupéens en 2013, en formation à Aix © Diocèse de Guadeloup
© Diocèse de Guadeloupe 

Le 13 mai 2021, le pape François accepte la renonciation du Monseigneur Jean-Yves Riocreux pour raison d'âge. Dans l’attente de la nomination d’un nouvel évêque  pour la Guadeloupe, le pape a nommé Monseigneur David Macaire,  archevêque de Fort-de-France,  « Administrateur Apostolique ». du diocèse de Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, jusqu’à la prise de possession canonique du successeur de Mgr Riocreux. Depuis novembre 2021, Monseigneur Jean-Yves Riocreux, devenu évêque émérite de Basse-Terre, coordonne l'Aumônerie des Antilles et de la Guyane à Paris. « L'aumônerie existe depuis 60 ans. Elle a été créée à l'initiative des évêques martiniquais et Guadeloupe qui ont envoyé un prêtre. Le précédent aumônier, le père Marcel Crépin, qui est actuellement curé du Lamentin à Marche en Martinique, partait. Alors venant d'arriver dans l'Hexagone, j'ai dit que  je peux consacrer un peu de temps, c'est comme ça que j'ai accepté cette coordination de l'aumônerie. Alors l'aumônerie a été marquée par le père Lacroix. Elle n'a peut-être pas la même vitalité qu'elle a eu il y a 40 ou 50 ans, parce que maintenant les gens sont davantage dans leurs  paroisses. Et c'est le but d'ailleurs, c'est de créer et d'aider les Antillais à s'intégrer dans la paroisse.L'aumônerie a trouvé un rite maintenant, avec en particulier le grand rassemblement du 11 novembre qui est un événement phare chaque année».

 Dans cette nouvelle mission de coordinateur de l'aumônerie, Monseigneur Riocreux prépare en ce moment un pèlerinage à Lourdes avec plusieurs délégations des Antilles d'ici la fin du mois de juillet. Il souhaite aller encore plus loin. «Nous sommes à un an des prochaines Journées mondiales de la jeunesse qui vont se dérouler au Portugal. L'idée, c'est de faire un groupe de l'aumônerie qui sera en lien avec les groupes qui viendront des Antilles pour être ensemble à ce grand événement». Il nous a également confié garder de nombreux contacts avec la communauté du Pacifique.

Mgr Jean-Yves Riocreux à l'Aumonerie des Antilles et de la Guyane à Paris © DR