Le documentaire « Ziskakan, une révolution créole » projeté à l'Assemblée nationale

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Le documentaire « Ziskakan, une révolution créole » projeté à l'Assemblée nationale

À l'initiative de la députée réunionnaise Karine Lebon, le documentaire de Sébastien Folin, sur le célèbre groupe Ziskakan, et son apport à la culture et la langue créole, a été projeté ce mardi au palais Bourbon. Ce documentaire raconte le contexte de la naissance du groupe et le pourquoi de leurs révoltes par la chanson.

« Avoir une reconnaissance de l’Assemblée nationale (…), c’est important », s’est réjoui mardi soir Sébastien Folin. Après France Télévision, Canal+ Réunion et Canal+ Outre-mer, le documentaire sera programmé au festival panafricain de Sacramento en Californie. « Mon objectif, c’est qu’il fasse le tour du monde » assure le réalisateur, pour qui « cette histoire, c’est celle des Maori, des Bretons, des Occitans, des Irlandais, des Cap-verdiens, des Maliens, de tous les endroits qui ont été colonisés et qui ont vécu une aliénation culturelle ».

« Il y a beaucoup d’émotion » a dit Gilbert Pounia, membre du groupe Ziskakan. « C’est une victoire pour nous que ce documentaire parte partout dans le monde ». « On est toujours dans la reconnaissance, on aimerait bien que notre histoire soit dans les manuels de l’école française », a-t-il ajouté. « Il est primordial de sensibiliser tous les députés, de l’Hexagone et d’Outre-mer à cette cause », celle des langues régionales, a par ailleurs poursuivi la députée de La Réunion, Karine Lebon, co-présidente du groupe d’étude sur les langues régionales.

Écrit et réalisé par Sébastien Folin, sur une idée originale de Maya Kamaty, fille de Gilbert Pounia et Anny Grondin, ce documentaire raconte le combat identitaire et pacifique mené par les membres du groupe réunionnais Ziskakan depuis quatre décennies pour la valorisation et la transmission de la culture créole de leur île. « C’est l‘histoire de ce mouvement culturel qui a mené un combat pacifiste et esthétique pour la reconnaissance des langues créoles », résume le réalisateur réunionnais.

Groupe pionnier créé en 1979, Ziskakan a fait du maloya son cheval de bataille et sa force. Ce collectif d’artistes, intellectuels et militants, dont le leader et fondateur est Gilbert Pounia, est certes un groupe de musique, l’un des plus emblématiques de l'île intense, mais c’est avant tout une âme. Un esprit créole traduit à travers une association qui s’est battue pour faire reconnaître la culture créole. La poésie, les contes, les arts plastiques, la musique, étaient ses armes pour lutter contre l'oppression culturelle et l'effacement d'identité et dénoncer la violence sociale.

Dans les années 1970, la langue créole et ses avatars culturels étaient absents de l’espace public et dévalorisés par le pouvoir politique. Pour contourner la censure, des concerts clandestins et les fanzines distribués sous le manteau ont participé à la naissance d’un mouvement dont le ciment a été une solidarité sans faille. Pour la première fois, cette jeunesse réunionnaise racontait sa réalité et dessinait un portrait sans artifice de La Réunion. Une lutte que les membres de Ziskakan ont menée sur le terrain de la parole, à travers les contes, les poèmes et les chansons. 

L’héritage de Ziskakan est certes culturel, mais c'est aussi un encouragement à lever la tête et à éteindre la honte qui étouffe, malheureusement, trop souvent les envies d’émancipation et d’élévation sociale de la jeunesse. Depuis ses débuts, le groupe a fait découvrir à un public de plus en plus large une musique à l'image de la richesse culturelle de La Réunion et a aussi participé à révéler au monde les forces et la portée de cette culture.

Quarante-trois ans après la création du collectif, Sébastien Folin est parti à la rencontre de ceux qui ont fait l’histoire de Ziskakan. Dans ce documentaire intégralement tourné en créole réunionnais, les membres du groupe témoignent et nous brossent un portrait touchant et sans concession de La Réunion post-coloniale où ils ont évolué.

Aujourd'hui, alors que le groupe a fait le tour du monde, que le maloya est classé depuis 2009 au Patrimoine culturel immatériel de l’humanité certifié par l’Unesco, et le créole enseigné à l’école, le film interroge ces pionniers sur leurs motivations, leur histoire et leur héritage. Avec de nombreuses archives collectées, le film est autant l’histoire d’un mouvement artistique que celle de la quête identitaire d’un bout de France de l’océan Indien.