Vote du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : Quels scénarios possibles ?

Vote du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie : Quels scénarios possibles ?

Le siège du gouvernement calédonien à Nouméa

La chute du gouvernement collégial calédonien, présidé par le loyaliste Thierry Santa, a beaucoup fait parler, dans un contexte de tensions politiques liées à la vente de l’usine de Vale NC, ajouté à une crise sanitaire mondiale qui a aussi ses conséquences en Nouvelle-Calédonie. 

Si certains élus locaux ont crié au « coup d’État », il s’avère que la récente chute du gouvernement est loin d’être une première dans l’Histoire de cette institution, comme l’indiquent nos partenaires de Caledonia. Avec la Maître de conférence en droit public Caroline Gravelat, la chaîne calédonienne évoque les scénarios possibles autour du vote du prochain gouvernement calédonien. 

« Dans l’histoire du pays, aucune équipe gouvernementale n’a effectué un mandat de 5 ans », rappellent ainsi nos partenaires de Caledonia. Installé pour la première fois en 1999 après l’Accord de Nouméa, le gouvernement collégial calédonien a en effet connu bon nombre de chutes, une dizaine environ. En théorie, son mandat doit durer cinq ans, et il est renouvelé à la suite des élections provinciales, lorsque les Calédoniens votent leurs représentants aux assemblées de province et indirectement, au Congrès de l’archipel. Depuis 1999, il y a eu 16 gouvernements calédoniens, et mercredi prochain, le 17ème devrait être élu.

La première chute remonte à 2001 : Jean Lèques, figure non indépendantiste, ancien maire de Nouméa et premier président de l’exécutif dans sa nouvelle version, démissionne de ses fonctions et entraîne de facto la chute du gouvernement. Jean Lèques avait préféré laisser son mandat de président du gouvernement pour garder celui de maire de la capitale calédonienne. En 2002, ce sont les membres indépendantistes font tomber l’exécutif et en 2007, nouvelle démission du chef de l’exécutif en la personne de Marie-Noëlle Thémereau, après la défaite de ses candidats aux législatives. Sept ans plus tard, trois membres de Calédonie ensemble démissionnent sur fond de division entre les membres de la droite.

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Selon la loi organique régissant la statut politique de la Nouvelle-Calédonie, il y a cinq cas possibles de chute du gouvernement : le décès ou la démission de son président, la démission de la majorité de ses membres, lorsque le nombre de ministre à remplacer est égal ou supérieur à la moitié de ses effectifs ou si le Congrès vote, à l’unanimité, une motion de défiance contre le gouvernement. En 2011, une modification de la loi organique stipule que « suite à la démission des membres du gouvernement, les élus du nouvel exécutif ne peuvent utiliser cette méthode durant les 18 mois suivants ». Un pare-feu pour éviter les démissions à répétition.

Unique au sein de la République

Il va sans dire que le gouvernement collégial calédonien n’a pas son pareil au sein de la République. Avec la Polynésie, la Nouvelle-Calédonie est le seul territoire à disposer d’un gouvernement. Mais contrairement à celui de la Polynésie, nommé par le président de la Collectivité, l’exécutif calédonien « est élu par les membres du Congrès à la représentation proportionnelle », explique Caroline Gravelat. Ce mode de scrutin permet « d’obliger le gouvernement à être composé de membres de la majorité et de l’opposition, pour que l’on retrouve toutes les tendances politiques présentes au Congrès, au sein du gouvernement. C’est source d’instabilité mais c’est l’Accord de Nouméa qui l’a voulu comme cela, pour obliger les différentes tendances à travailler ensemble ».

« Ce sont donc les groupes du Congrès qui déposent des listes et le vote a lieu à partir de ces listes », poursuit Caroline Gravelat. Pour le prochain gouvernement, les membres du Congrès se réuniront jeudi pour fixer le nombre de membres au gouvernement (entre 5 et 11) et déposer leurs listes. L’élection aura quant à elle lieu le mercredi 17 février. Pour rappel, le gouvernement mené par Thierry Santa est tombé suite à la démission des cinq membres indépendantistes : trois appartenant au groupe UC-FLNKS et Nationalistes et deux au groupe UNI. Ce gouvernement était également composé de 4 membres de l’Avenir en confiance (non indépendantiste), d’un membre de l’Éveil océanien et d’un de Calédonie ensemble (non indépendantiste).

« On peut très bien imaginer que l’Éveil océanien vote pour la liste UC-FLNKS et Nationalistes au Congrès et cela aura pour effet de modifier la répartition actuelle entre les groupes au gouvernement », prévoit Caroline Gravelat. Une possibilité envisageable puisque les trois élus Éveil océanien siégeant au Congrès ont rejoint le groupe de l’UC-FLNKS, en juillet 2020. C’est d’ailleurs depuis cette date qu’une éventuelle chute du gouvernement avait été évoquée au sein de l’échiquier politique calédonien, le tout sur fond de crise autour de la vente de l’Usine de Vale.

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Pour l’heure, le jeune parti défend toujours son indépendance vis-à-vis de la bipolarisation de la vie politique calédonienne et a, par le passé, apporté son soutien à la fois aux indépendantistes et aux loyalistes. Ses membres demeurent silencieux sur leurs intentions. Mais si ce scénario venait à se confirmer, l’Avenir en Confiance aurait 4 sièges au gouvernement, l’UC-FLNKS et Éveil océanien auraient 4 sièges, l’UNI aurait 2 sièges et Calédonie ensemble aurait 1 siège. Par conséquent, les indépendantistes et l’Éveil océanien auront la majorité au gouvernement et surtout, l’institution pourrait pour la première fois de son histoire être dirigée par un indépendantiste.

Le gouvernement calédonien peut aussi arriver dans une situation de blocage, et ne pas arriver à élire son président au scrutin majoritaire ou à répartir ses tâches. Une option là aussi envisageable au regard de l’équilibre des forces politiques et, à l’instar des chutes, qui ne serait pas une première. L’institution serait alors cantonnée aux affaires courantes. Toutefois, le moment est inopportun en raison du budget 2021 de la Nouvelle-Calédonie qui n’a toujours pas été voté. « Si le gouvernement est élu le 17, il aurait peut-être suffisamment de temps pour voter le budget mais c’est tout de même très court », explique Caroline Gravelat. « Dans le cas contraire, c’est le Haut-commissaire qui établit le budget sur conseil de la Chambre territoriale des Comptes et en fonction du budget de l’année précédente ». Là aussi, ce serait une première dans l’Histoire calédonienne.