Nouvelle-Calédonie : Sébastien Lecornu « prêt à discuter d’une implication plus forte de l’État dans l’usine du Sud »

Nouvelle-Calédonie : Sébastien Lecornu « prêt à discuter d’une implication plus forte de l’État dans l’usine du Sud »

Le ministre des Outre-mer Sébastien Lecornu s’est adressé, ce lundi matin, à la Nouvelle-Calédonie dans une allocution spécialement dédiée et diffusée sur Nouvelle-Calédonie La 1ère. Il s’est naturellement exprimé sur l’épineuse vente de l’usine de Vale NC, mais aussi sur l’avenir institutionnelle de l’archipel et la crise sanitaire et économique. 

Revenant sur les vives tensions qui ont éclaté en Nouvelle-Calédonie autour de la vente de l’usine de Vale, adossée au gisement minier de Goro, Sébastien Lecornu a rappelé « la priorité absolue » de l’État qui est de sauver les 3 000 emplois liés à l’usine. Dénonçant les violences et dégradations, le ministre a exclu la « nationalisation de l’usine » demandée par une partie de la classe politique locale. « On ne peut pas brûler une usine, puis demander à l’État de la reprendre. On ne peut pas asphyxier la SLN parce que l’État en est actionnaire, puis demander à l’État de reprendre l’usine du Sud ».

« Parce que nous voulons tendre une dernière fois la main, je suis cependant prêt à faire une proposition nouvelle et forte », a-t-il nuancé. « Je suis prêt à envisager ce qui, jusqu’ici, ne l’était pas. Je suis prêt à discuter d’une implication plus forte de l’État dans l’usine du Sud ». Il pose néanmoins deux conditions : « La première – et elle est logique ! – est que les leaders indépendantistes doivent revenir à la table des négociations : je ne peux pas discuter avec une chaise vide. Des rencontres bilatérales, avec les uns comme avec les autres, sont possibles pour préparer les discussions. Mais, quand il s’agit de décider, il ne peut y avoir de destin commun sans que tout le monde soit autour de la table » ; « la deuxième condition est qu’une nouvelle implication de l’État sera liée à l’avenir institutionnel. Si la Nouvelle-Calédonie devient indépendante, la France se désengagera de l’usine du Sud. La proposition que je fais devra donc être assortie d’une clause résolutoire en ce sens ».

« Table ronde environnementale »

Le ministre des Outre-mer indique qu’il fera prochainement cette proposition aux responsables politiques calédoniens. « Dans l’hypothèse où elle serait refusée, l’État prendra ses responsabilités et ceux qui cherchent à faire échouer l’offre devront prendre les leurs ». « Il faut désormais sortir par le haut de ce conflit autour de l’usine du Sud » a insisté le ministre qui évoque également les « craintes » environnementales « au sujet du barrage de l’usine de Goro ». Sébastien Lecornu souligne le soutien de l’État au projet Lucy, « qui sécurisera considérablement le site et évitera la construction d’un deuxième barrage », et réunira ce mardi une « table ronde environnementale pour faire la transparence ».

En Nouvelle-Calédonie, le sujet de la vente de l’usine de Vale est venu se télescoper au deuxième référendum d’indépendance, le 4 octobre dernier. Celui-ci a eu pour résultat une courte victoire des non indépendantistes et donc, une réduction de l’écart entre le « oui » et le « non » à l’indépendance. En avril prochain, une troisième consultation peut être déclenchée si elle est votée par 18 des 54 élus du Congrès calédoniens. Les indépendantistes, qui disposent de 29 élus tous groupes confondus, sont favorables à cette troisième consultation.

En attendant, le ministre veut poursuivre les discussions sur les implications du « oui » ou du « non » à l’indépendance. « Pour le moment, je suis bien obligé de constater que ce travail n’a pas été engagé au fond », constate Sébastien Lecornu, évoquant des « questions (…) nombreuses » sur les hypothèses de l’indépendance de l’archipel ou du maintien dans la France. « Je remettrai prochainement à ceux qui vous représentent un document écrit et complet qui recense l’intégralité des questions posées par le “oui” et par le “non”. Ce document sera inédit par son ampleur et sa précision. Je leur demanderai d’y réagir formellement. Là encore, chacun devra prendre ses responsabilités », a-t-il déclaré.

Consultation locale, nationale et internationale

« Parallèlement, j’ai demandé au haut-commissaire de la République de déclencher la grande consultation de la société́ civile que j’avais annoncée lors de mon déplacement. Je vous invite ainsi à prendre la parole et à vous faire entendre. Même si vous êtes collégien, lycéen, même si vous n’êtes pas citoyen calédonien : ce n’est pas parce qu’on n’a pas le droit de vote que l’on n’a rien à dire. Le haut-commissaire dévoilera les modalités de cette consultation dans les prochains jours », poursuit le ministre.

Sébastien Lecornu annonce aussi « un cycle de consultations avec les forces politiques nationales pour évoquer l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie », notamment pour évoquer « une large partie des questions » qui « ne trouvera de réponse qu’à Paris ». « Par exemple, l’hypothèse de la double nationalité dépend d’une discussion puis d’un vote au Parlement, et donc des forces politiques nationales ».

« J’engagerai enfin des contacts sur le plan international pour évoquer la situation calédonienne avec l’Organisation des Nations unies. Nous arrivons à une étape décisive du processus de décolonisation. Le moment est venu de tirer les leçons de plus de 30 ans de rééquilibrage, de partage du pouvoir, de construction du “destin commun” et de partager en toute transparence, devant l’ONU, les enjeux du “oui” comme du “non” ».

Prise en charge du coût de la quatorzaine par l’État 

Sur la crise sanitaire, Sébastien Lecornu a rappelé l’isolement « pas tenable durablement » de l’archipel toujours épargné par l’épidémie. « Je suis particulièrement heureux que la campagne de vaccination puisse maintenant démarrer, sous l’égide du Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie qui est compétent en matière de santé. Avec les pays insulaires qui ont été approvisionnés par les États-Unis, les territoires français sont ainsi les premiers à recevoir le vaccin dans le Pacifique ». En effet, plus de 14 000 doses ont été livrées en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française en fin de semaine dernière.

Sur le plan économique, Sébastien Lecornu a rappelé les « dispositifs de soutien aux entreprises, représentant au global 25 milliards de francs Pacifique » et « les prêts garantis par l’État, ; au travers du prêt de 28 milliards de francs Pacifique accordé au Pays ». « Pour accompagner le Pays dans la gestion de cette crise inédite, je vous confirme ce soir que l’État accompagnera le Gouvernement de la Nouvelle-Calédonie dans la prise en charge du coût de la quatorzaine, selon des modalités que nous devrons définir ensemble », a-t-il également annoncé.

Le ministre des Outre-mer a conclu son allocution aux Calédoniens en citant Jean-Marie Tjibaou : « La recherche d’identité, le modèle, pour moi, il est devant soi, jamais en arrière ». Puissent ces paroles de sagesse nous éclairer pour l’année qui commence ».