Référendum en Nouvelle-Calédonie : Le 12 décembre, une date « moindre mal » pour la dernière consultation de l’accord de Nouméa

©Charles Baudry / DR

Référendum en Nouvelle-Calédonie : Le 12 décembre, une date « moindre mal » pour la dernière consultation de l’accord de Nouméa

Entre les échéances nationales, la situation économique et sociale dégradée en Nouvelle-Calédonie, ou encore le contexte géopolitique, la date du 12 décembre est un « moindre mal » selon le Ministère des Outre-mer, alors que celle-ci est contestée localement par les indépendantistes du FLNKS.

En effet, le bureau politique du Front de Libération Nationaliste, Kanak et Socialiste a récemment annoncé un « boycott passif » du dernier référendum d’autodétermination de l’accord de Nouméa prévu le 12 décembre. Et si Paris s’autorise à espérer un changement de position, le FLNKS, composé de l’Union calédonienne et de l’Union nationale pour l’Indépendance, n’était déjà pas favorable à cette date, lorsque le Premier ministre, en juin dernier, l’avait actée.

La crise sanitaire du Covid-19 dans ce territoire épargné de l‘épidémie jusqu’en septembre a donné l’opportunité aux indépendantistes de demander le report de cette consultation. Et les arguments des responsables politiques indépendantistes ne sont pas irrecevables. On avance notamment des arguments coutumiers et le singulier rapport kanak au deuil, des arguments politiques avec une campagne non encore officielle mise brutalement à l’arrêt par l’épidémie de covid-19 ou même, selon certains partis non-indépendantistes, une peur de se rendre aux urnes alors que les deux précédents référendums ont mobilisé plus de 80% du corps électoral spécial, provocant aux abords des bureaux de votes des files d’attentes interminables sans gestes barrières. 

Lire aussi : En Nouvelle-Calédonie, le sens d'un référendum sans les indépendantistes interroge

Mais le Ministère des Outre-mer a aussi des arguments pour faire valoir cette date. D’une part, et le ministre Sébastien Lecornu l’a une nouvelle fois répété ce jeudi matin sur franceinfo, un report ne se ferait que sur la base de critères « objectifs » et « sanitaires ». En d’autres termes, si dans quelques semaines le taux d’incidence et de positivité, et la tension dans les services hospitaliers calédoniens, venaient à se dégrader, Paris prendrai la décision de reporter, vraisemblablement en septembre 2022. Le Ministère n’évoque pas de date précise pour une telle décision, mais il est certain qu’elle interviendra au plus tard fin novembre, date de lancement de la campagne officielle.   

Pour l’heure, l’entourage du ministre le répète, « il est encore trop tôt » pour prendre une telle décision tant « la situation sanitaire est encore floue ». Si certes les indicateurs épidémiques s’améliorent, les services de l’État surveillent de près la courbe du taux d’incidence qui affiche, depuis seulement quelques jours, un plateau. En parallèle, le taux de vaccination progresse à vitesse constante en Nouvelle-Calédonie. Il est actuellement de 57% (schéma vaccinal complet) et si le rythme soutenu se poursuit, au moins 80% de la population sera vaccinée le 12 décembre. Et si la prudence est de mise, le Ministère des Outre-mer se montre plutôt confiant quant au maintien du référendum avant la fin 2021.

 Lire aussi : Référendum en Nouvelle-Calédonie : Les députés Calédonie ensemble favorables à l’élargissement des horaires de vote

Le Ministère s’est également montré clair sur la conséquence d’un « boycott passif » de la consultation du 12 décembre. Et d’un point de vue juridique, la confiance règne. « Dès lors qu’il y a une liberté d’aller voter, il n’y a pas d’altération des résultats du scrutin et donc, pas de recours possible en justice », assure-t-on, même en cas de chute brutale de la participation. Quant à un possible recours international, la Nouvelle-Calédonie étant inscrite sur la liste onusienne des territoires à décoloniser, là aussi, peu d’inquiétude. La commission spéciale chargée de la décolonisation suit de près le processus engagé en 1988 et semble, à entendre le Ministère des Outre-mer, admiratif quant au chemin parcouru depuis. 

Outre la situation sanitaire, on évoque d’autres paramètres pour défendre la date du 12 décembre. Rue Oudinot liste notamment la situation économique, financière, sociale et politique dégradée de l’archipel : les inégalités sociales, les finances locales dégradées par l’épidémie, le nickel plus aussi performant que dans les années 90, le budget de la Collectivité, sa fiscalité, le niveau d’endettement des collectivités locales, l’exaspération de la population, et même les tensions géopolitiques régionales. Le contexte national pèse aussi dans la balance avec l’échéance présidentielle qui pourrait rebattre les cartes politiques et changer l’action de l’État dans ce processus de décolonisation.

Par exemple, il a été acté, en juin dernier, une période de transition du 13 décembre prochain à juin 2023 afin, quel que soit le résultat du 3ème référendum, de sortir de l’accord de Nouméa et dessiner un nouveau chemin pour la Nouvelle-Calédonie. Or, il s’agit d’un engagement politique pris par l’actuel gouvernement et qui n’engage en rien les potentiels successeurs, si Emmanuel Macron venait à ne plus être Président de la République en mai 2022. En attendant, « ce qui compte » pour l’actuel gouvernement, « c’est d’être prêt pour le 13 au matin », mettre en place la « méthode » pour sortir une nouvelle feuille de route et « réussir la phase de transition ».

Lire aussi : Référendum en Nouvelle-Calédonie : Le gouvernement « vigilant » face aux ingérences étrangères

Une phase de transition qui promet d’être complexe et sensible qu’elle que soit le résultat final. Si le NON à l’indépendance remporte une nouvelle fois, quid du futur statut de la Nouvelle-Calédonie dans la République qui, incontestablement, serait fortement autonome et dans lequel le droit à l’autodétermination s’exercera toujours ? Et si le OUI l’emporte, c’est autant de questions qui se posent sur la monnaie, la nationalité et la citoyenneté, la défense, la sécurité, les droits et les protections des individus, la justice ou encore, les liens avec la France que beaucoup de responsables politiques indépendantistes souhaitent tout de même garder. Il n’y a pas de « décolonisation simple », et le processus dans lequel la France et la Nouvelle-Calédonie se sont engagées il y a plus de trente en est témoin. 

Le Ministère des Outre-mer sait enfin que la question calédonienne s’invitera dans la prochaine campagne électorale et fera probablement l’objet de « propos d’estrades et de matinales faciles » de la part « d’un certain nombre de responsables politiques ». C’est d’ailleurs déjà le cas et c’est ce qui a poussé rue Oudinot à faire un point, à quelques semaines du prochain référendum. Une volonté de rétablir la vérité, le droit et le très complexe processus de décolonisation de la Nouvelle-Calédonie entamé en 1988, tordre le cou aux poncifs et rappeler aux potentiels candidats à la présidence de la République que l’Histoire et le destin de l’archipel dépasse de loin le markéting électoral et la politique politicienne.