ÉCONOMIE. « Mayotte est le hub naturel de connexion avec l’Afrique de l'Est et le reste de l’océan Indien », selon Gilles Teisseyre, Président fondateur d'Arturus

ÉCONOMIE. « Mayotte est le hub naturel de connexion avec l’Afrique de l'Est et le reste de l’océan Indien », selon Gilles Teisseyre, Président fondateur d'Arturus

Le forum économique de Mayotte, à l'initiative du Département et organisé par l'ADIM, s'est achevé la semaine dernière. Les acteurs locaux, régionaux et européens du développement du territoire étaient présents les 20 et 21 octobre derniers pour réfléchir à des pistes de travail et à des axes de déploiement stratégiques à mettre en œuvre. Parmi eux :  Gilles Teisseyre, Président fondateur d'Arturus Group, un cabinet de conseil en stratégie institutionnel et de développement de marchés européens, implanté à Bruxelles avec de nombreux bureaux dans plusieurs grandes villes européennes. Avec lui, il était question du positionnement européen de Mayotte et des leviers de développement possibles. 

« Plus de 90% des régions ultrapériphériques sont françaises. La France apporte un patrimoine de zone économique exclusive et des hubs de connexions avec d'autres ensembles économiques mondiaux extrêmement importants. Mayotte est le hub naturel de connexion avec l’Afrique de l'Est et avec tout le reste de l’océan Indien et cela l’Europe en prend conscience. L'importance stratégique du projet de Cabo Deldago (NDLR, c’est dans la province du Cabo Delgado, au Nord-Est du Mozambique que les projets gaziers ont été lancés) suscite énormément d'interaction politiques de l'Europe dans la zone et le territoire européen le plus proche de cette zone, qui est le plus susceptible de recevoir l'attention de l'Union européenne, c'est Mayotte ». 

C'est ainsi que Gilles Teisseyre, Président fondateur d'Arturus Group a introduit son propos sur les leviers européens, les opportunités de développement économique dans la région pour Mayotte, pour la France et pour l’Europe, lors de son intervention à l'occasion du Forum économique de Mayotte. L'évènement qui était également à suivre sur les réseaux sociaux aura permis de réaffirmer le positionnement de Mayotte, qui veut désormais prendre toute sa place au cœur du canal du Mozambique, encouragée par les acteurs nationaux et européens.

« L’Europe a un œil sur Mayotte »

Parmi les atouts constants de Mayotte : son positionnement géographique au milieu du canal de Mozambique. « Mayotte est dans une zone où 70% du commerce mondial provenant du canal et contournant l’Europe passe par là. L'atout qui est aussi une menace c'est le Cabo Delgado : ça va emmener des investissements colossaux et pour longtemps dans la zone du canal du Mozambique. Donc il ne faut pas rater ça parce que si l’on traîne trop et qu'on ne règle pas certains problèmes comme l’insécurité, on ne pourra plus jouer cette carte que l'Europe a envie de nous voir jouer », explique le président d'Arturus Group. 

« Il faut anticiper. Mayotte a un deuxième atout extraordinaire, c’est sa culture qui la connecte à l'ensemble des territoires africains. Cela va permettre aux jeunes mahoraises d’être les ambassadeurs, les vecteurs de ces futurs investisseurs sur ces zones d’Afrique. C'est un patrimoine qu’il faut cultiver et continuer d'enrichir. Le lagon est aussi une richesse, dans un monde où les sujets majeurs sont les challenges des changements climatiques. Je pense que Mayotte a un rôle pionnier à jouer. C'est une vitrine mondiale de l’Europe sur ce qu'on peut faire d’intelligent en matière d'acclimatation climatique et de politique environnementale raisonnée. Il faut réfléchir pour ne pas détruire le long terme au profit du court terme, et se dire qu'un projet gazier, quelle que soit son importance, ça n'a qu'un temps, donc il faut en profiter pour développer les autres atouts de Mayotte comme l'agriculture ».

De nombreuses pistes de travail

Celui qui, avec son cabinet de conseil, a travaillé il y a quelques mois pour le compte de l'ADIM afin de permettre l’organisation de réunions de travail entre les élus mahorais et les acteurs européens, a profité de sa présence à Mayotte pour dévoiler plusieurs pistes de travail que les acteurs mahorais pourraient s’approprier dans le cadre du développement de Mayotte. 

Gilles Teisseyre a notamment évoqué la mise en place du dépôt d'indication géographique protégée (IGP), signe d'identification de l'Union européenne qui désigne des produits dont la qualité ou la réputation est liée au lieu de production pour des produits tels que l’Ylang-Ylang, la vanille ou encore le zébu afin de porter l’image de Mayotte à l’international. 

La création d’un label « Produits UE Mayotte » pour la promotion de produits de la région du canal du Mozambique transformés à Mayotte et donnant accès au marché communautaire est également l'une des propositions qui a été mise sur la table.  La création d’un centre européen d’agriculture tropicale et de formation digitale pour que Mayotte devienne un hub expérimental de la région en matière d'agriculture est une autre piste de travail. 

L'Europe a déjà financé plusieurs projets qui allaient dans ce sens, comme le projet de relance d’une filière cacao au travers de la construction d’un atelier de transformation (financé à hauteur de 150 000 € par le FEADER,) ou encore la mise en œuvre d’un projet de valorisation économique des filières pharmacopée, cosmétopée et épices du sud-ouest de l’océan Indien (FEDER-CTE, 205 000 €).

Parmi les autres propositions, on retrouve la création à l’hôpital d’un centre de médecine numérique visant à relier et créer un réseau d’information et de formation pour les médecins et/ou infirmiers originaires de villages situés dans la région du canal du Mozambique ou encore l'installation à Mayotte d’un centre européen de coordination de surveillance des coraux reliant les données des laboratoires et des ONG européennes au réseau français, mis en place par la Fondation de la Mer. Objectif : faire de Mayotte un laboratoire pilote européen des techniques « îliennes » de traitement des enjeux climatiques Création de mécanismes de lutte contre la montée des eaux liée au changement climatique.

Mayotte, base arrière pour les acteurs internationaux, cela pourrait passer rapidement des paroles à une réalité faite de projets. Reste à trouver les acteurs qui pourraient mener à bien ces chantiers. 

Abby Said Adinani