L’ÉDITO. Le temps des mémoires... vient le temps des projets, par Luc Laventure

L’ÉDITO. Le temps des mémoires... vient le temps des projets, par Luc Laventure

Mardi 29 juin : 2 drapeaux flottent côte à côte au 28 boulevard Saint-Germain à Paris. La Polynésie célèbre la « fête de l’Autonomie ». Il peut y avoir une décolonisation au sein de la République, sans violences meurtrières. 

Les Outre-mer ont donné à De Gaulle les armes de la souveraineté française.

En construisant la base spatiale de Kourou en Guyane, la France se hisse au niveau des grandes puissances qui conquièrent l’espace et se positionne dans une compétition dans la recherche internationale. Kourou est devenue le seul outil du genre de l’Union européenne et qui se permet d’accueillir sans complexes les russes. La France, présente sur les trois océans, est le deuxième empire maritime mondial.

Les atolls de Polynésie, ont permis à la France de se doter de l’arme nucléaire, donc de la force de dissuasion. Après des années de luttes, de discussions âpres, de mobilisations très fortes, l’État, et il faut le souligner tellement c’est rare, a accepté de s’interroger sur sa propre responsabilité dans cet épisode douloureux.

Lors des tables rondes qui se tiennent ces jours-ci, à propos de ces 193 essais nucléaires menés en Polynésie française de 1966 à 1996, le gouvernement a déroulé les premières annonces liées à ce sujet sensible. Le Président Édouard Fritch qui menait la délégation polynésienne à ces séances de travail, attend certainement des annonces plus importantes et plus fortes, qui seront probablement faites lors du séjour d’Emmanuel Macron en Polynésie Française, du 25 au 28 juillet prochain.

L'archipélisation de la pensée économique et sociétale

L’autre fait politique important de ces dernières semaines a été les élections territoriales, départementales, et régionales.

Les Outre-mer ont fait mentir les commentateurs nationaux qui, à propos du taux élevé d’abstention dans l’hexagone, faisaient un raccourci terrible en disant que la démocratie était en danger à cause de l’abstention. Ce n’est pas parce que le citoyen ne vote pas qu’il met en question la démocratie. En effet, souvent est faite la confusion entre vote pour des partis et engagements politiques citoyens. Dans les Outre-mer, la participation a été beaucoup plus forte que dans l’hexagone, car le citoyen se sent beaucoup plus concerné par des élus de proximité qui leur proposent des projets qui impactent leur quotidien. 

C’est le clin d’œil que fait du reste notre confrère et rédacteur en chef de Ouest-France, François-Xavier LeFranc, qui samedi matin dans son édito, fait un parallèle entre Ouagani à Mayotte et L’île de Sein en Bretagne. Tous les deux ont un taux de participation important. La démocratie des partis telle que pensée hier, est aujourd’hui remplacée par une démocratie du quotidien. On se rapproche de la pensée de Paul Ricœur, aux côtés duquel Emmanuel Macron a cheminé. Deux exemples précis : Guadeloupe et Mayotte, où les électeurs se sont positionnés sur des bilans et des projets économiques.

Le temps des mémoires… le temps des projets

Ce mois de juillet, sera comme toutes les années, un mois de commémoration d’une Histoire Nationale. L’occasion de souligner là aussi, le rôle des Outre-mer dans cette page de souffrance et de gloire. Lors de la Deuxième Guerre Mondiale, les Antillais qui partaient « en dissidence », les « bataillons du Pacifique », pour ne citer qu’eux, tous les combattants des outre-mer ont payé ce que Raphaël Confiant appelle « l’impôt du sang » en participant à toutes les batailles. 

La France pourrait se demander ce que serait l’initialisation de la résistance sans Félix Eboué. Ce Guyanais, gouverneur du Tchad, a permis à la France d’avoir un territoire au Tchad et un capital financier or qui a permis à la France de reconquérir le territoire national. Je ne parle même pas de l’autre guyanais, Gaston Monnerville, futur Président du Sénat, jeune engagé dans la marine.

Outremers360 va participer à l’écriture de cette page d’histoire en donnant la parole à nos aînés, mais aussi à leurs enfants, petits-enfants, neveux et nièces. À travers ces témoignages que vous allez retrouver sur notre site ainsi que sur tous nos réseaux sociaux, ce sont des pans d'histoires que nous avons voulu regrouper.

Il y en a qui ont falsifié leurs papiers, menti à leurs familles, pour répondre à l'appel du Général de Gaulle. Ils sont venus de la Guadeloupe, de la Guyane, de la Martinique, de la Polynésie, de la Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna, de Saint-Pierre et Miquelon, de La Réunion, de Mayotte etc. Ils sont partis, en bateau, en passant par Madagascar, Saint-Domingue, Sainte-Lucie, la Dominique pour d'autres. D'autres sont arrivés jusqu'à Tel-Aviv pour rejoindre par la suite les troupes françaises. C'est chez eux qu'ils nous ont accueillis pour nous raconter leurs histoires. 

D’autres histoires sont encore à écrire et à lire… en « mode projet ».

De plus en plus, on voit émerger des femmes et des hommes dans les entreprises qui veulent construire au lieu de disserter. Avec eux aussi, nous écrirons ces histoires. Un modèle de projet, qui je crois à fait l’unanimité, a été écrit par un militaire, le Général Némo. Nous le connaissons tous, c’est le Service Militaire Adaptée (SMA).

Il a créé une subtile alchimie indispensable à la fusion opérationnelle entre les attentes de la population, en particulier des jeunes, et les réponses de la puissance publique pourrait transmuter en évitant la chimère fantasmée de l'ancien service militaire. Face aux défis d'éduquer chaque année les 800 000 jeunes d'une classe d'âge, la subsidiarité paraît déterminante. 

L'État aurait tout intérêt à consolider une stratégie fondée sur les seuls objectifs et leurs principes structurants. On peut dire que les outre-mer, par des modèles de ce type, continueraient à ouvrir des modèles non pas conflictuels, non pas binaires, mais qui répondent aux besoins (et pas que des jeunes), pour faire évoluer une pensée où le social et l’économie auraient vraiment toute leur place.

In fine, les Outre-mer sont appelés à construire non pas une pensée binaire, classique où la vie se fait à partir de confrontation et d’opposition mais à travers l’archipélisation de la pensée, je dirais même une créolisation de la pensée où le social et l’économie auraient vraiment toute leur place, c’est à dire où en mode de projet afin que nous puissions assumer nos histoires, nos projets communs et nos histoires communes.

Luc Laventure