INTERVIEW. Thierry Déau, PDG de la société Meridiam : « Je suis convaincu qu’il faut que les investissements soient à la fois rentables et créent un impact positif pour l'environnement et les populations »

En se positionnant comme le troisième homme de la bataille Véolia-Suez, Thierry Déau, fondateur et Président Directeur Général de la société à mission Meridiam, est devenu l'un des grands gagnants de cette fusion. Celui qui, à l'aide d'un consortium, va reprendre les activités « Eau et propreté » de Suez voit son nom de plus en plus connu des sphères publiques. Et pourtant, le Martiniquais est loin d'en être à son coup d'essai. Des projets internationaux, il en a mené depuis la fondation de sa société en 2005. D'autres sont également en cours de gestation.

« Nous avons tous un rôle à jouer en tant que citoyens », tels étaient les propos tenus par Thierry Déau, PDG de Meridiam, société à mission, spécialisée dans le développement, le financement et la gestion à long terme d'infrastructures publiques durables à l'occasion d'un entretien accordé à Outremers360, le 19 juillet dernier. Et ce rôle, le Martiniquais compte bien l'assumer à travers la structure qu'il a créée il y a maintenant 16 ans. Actuellement, Meridiam, représenté par son PDG, c’est plus de 8 milliards de dollars d’actifs sous gestion, et plus de 90 projets, à travers le monde. L’extension du port de Calais, c'est lui. Le port à container de Nouakchott en Mauritanie, c'est également lui. Le tunnel du port de Miami, c'est encore lui...

Parmi les autres projets structurants, on peut noter les 3 100 kms de routes sur la Costa del Sol en Espagne, la concession autoroute entre l’Éthiopie et le Kenya, les deux contrats avec l’Université d’Iowa (50 ans) et l’Université d'État de Californie de Fresno (30 ans) de plus de 1,5 milliard de dollars pour répondre aux besoins en électricité, en eau, en chauffage et en climatisation sur des campus universitaires parmi les plus vastes des États-Unis…

Extension du port de Calais 

On peut également parler des 4 centrales solaires au Sénégal d’une capacité de production totale de plus de 150 MW, des plus de 15 centrales de valorisation des déchets organiques ménagers, industriels ou agricoles en énergie renouvelable, réparties en France, en Allemagne, en Espagne, en Pologne et en Belgique, des 25 000 bornes de recharges pour véhicules électriques en Europe ou encore des plus de 55 centres de santé qui fournissent des soins à 20 millions de personnes, dont 7 hôpitaux en Turquie, au Chili et en France...

Car c'est là l'ADN de Meridiam qui investit uniquement et depuis son origine dans projets à impact positif en matière économique, sociale et environnementale, que ce soit en Europe, en Afrique et aux États-Unis.

Le développement durable et l’impact comme leitmotivs

« Meridiam est une société à mission qui développe, construit et exploite les infrastructures dont vous avez besoin tous les jours, des infrastructures publiques essentielles, dans les domaines de la mobilité, santé, éducation, d'énergies bas carbone qui permettent de faire avancer la transition écologique. Nous développons les solutions de demain. Celles qui permettent d’améliorer la qualité de vie des populations, au quotidien et sur plusieurs générations. C’est de cela dont il s'agit : proposer les meilleures solutions, développer de nouvelles technologies innovantes, et puis surtout faire, et pour cela rien de mieux que les ingénieurs. Les partenariats public-privé permettent ainsi de mettre en commun le meilleur des deux mondes : la vision publique pour les projets, et le savoir-faire, la capacité d’investissement et le capital humain privé, qui permet d’apporter les meilleures pratiques.Ce modèle est à privilégier pour les grands projets ! ».

Thierry Déau a répondu aux questions de Luc Laventure et Outremers360

Le ton est donné. Celui qui se définit comme un ingénieur passionné par le développement durable est catégorique : mettre en avant les hommes, les populations, mais également la transition écologique, ce n'est pas du marketing, c'est une conviction. « Je ne suis pas un philanthrope, mais je suis convaincu qu’il faut que les investissements soient à la fois rentables et qu'ils créent un impact positif pour l'environnement et les populations. L'argent est juste un moyen d'arriver à créer l'impact que l'on souhaite dans les secteurs que je décris et d'avoir une planète qui soit viable pour tous ».

Raison pour laquelle tous les projets de Meridiam contribuent aux Objectifs de Développement Durable (ODD) des Nations Unies, notamment sur les questions de lutte contre le changement climatique et la garantie à tous de l’accès une énergie propre, à un coût abordable.

« Je pense qu'on peut arriver à redonner de l'eau à tous les Guadeloupéens »

Thierry Déau s'était déjà fait remarquer dans les Outre-mer, avec notamment la participation de Meridiam au lancement de la Centrale Électrique de l'Ouest Guyanais, actuellement le plus grand projet au monde de centrale de production d'électricité à partir de l'hydrogène pour le stockage d'énergie renouvelable intermittente. Le fonds d’investissement a acquis 60% du projet afin de participer à son développement. « Nous allons aider EDF à fournir de l’électricité à toute heure, à tout moment, à ses clients en donnant de la puissance et de la sécurité au réseau guyanais ». Ce projet sera bouclé en septembre et sa construction débutera rapidement.

Un projet similaire devrait voir le jour prochainement en Martinique. Quant à la Guadeloupe, les problématiques se situent ailleurs, au niveau de l'eau. « C'est un milieu local que je connais bien. C'est une problématique qui devient socialement assez explosive et inacceptable donc il faut apporter des solutions assez rapidement. Cela ne se fera pas en deux jours : il y a beaucoup d'investissements à faire, en s'engageant de façon transparente sur les solutions à apporter, notamment sur les réparations des fuites et sur le traitement, mais je pense qu'on peut arriver à redonner de l'eau à tous les Guadeloupéens », explique celui qui est désormais appelé dans les médias « le nouveau maître de l’eau ».

Le Groupe Raxio et Meridiam s'associent pour déployer des data centers durables en Afrique, soutenant les économies locales et la transformation numérique de la région

En effet, en se positionnant pour reprendre la partie française de Suez (l’ancienne Lyonnaise des Eaux), Thierry Déau est devenu « le 3eme homme », puis « l'homme fort » de la fusion Véolia-Suez. « Nous avons apporté une solution à un problème qui s'est posé dans le projet de fusion de Véolia et Suez. Nous avons permis d’assurer la pérennité de Suez, tout en lui donnant les moyens de se développer sur le très long terme : des moyens industriels et financiers, dans l’innovation et dans les personnes. Meridiam s'est trouvé être le bon partenaire pour permettre cette solution. Leur savoir-faire et leur histoire restent, mais ils avaient besoin, en tout cas, le Suez de demain avait besoin d’un actionnaire stable et de long terme qui puisse l'épauler pour écrire une nouvelle page de son histoire et, pourquoi pas, une meilleure histoire ».

Les jeunes, une priorité

L'homme est donc serein quant à la suite des événements. Et il ne compte pas en rester là, puisqu'il indique vouloir investir de plus en plus dans les Outre-mer et en Afrique. « C'est le continent d'avenir où il y a une jeunesse formidable. Il faut l'aider. Il faut aider à créer les leaders africains de demain. Je parle de leaders économiques, intellectuels, politiques, mais les leaders économiques sont peut-être encore plus importants. La priorité c'est d'accompagner la jeunesse pour en faire des leaders ».

L’ingénieur n’oublie pas les jeunes du département dont il est originaire : la Martinique. « Les jeunes ont besoin de s'ouvrir à d’autres choses : le voyage forme la jeunesse, mais des fois, c'est bien de revenir. Il faut aussi parler de l’entrepreneuriat. Se développe aujourd'hui un volet de la French Tech à la Martinique qui est très fort. Si je peux aider d'une façon ou d'une autre, je le ferai ».