Énergies renouvelables en Guyane : Le point avec HDF Energy et Voltalia

La centre biomasse de Voltalia à Cacao en Guyane ©Voltalia

Énergies renouvelables en Guyane : Le point avec HDF Energy et Voltalia

Gautier Le Maux, directeur Guyane de l'entreprise Voltalia, et Alain Cyrille, directeur Guyane de HDF Energy, étaient les invités de Radio Péyi afin de faire le point sur les énergies renouvelables en Guyane et évoquer le potentiel du territoire d'ici à 2030, date fixée par le Programme Pluriannuel de l’Énergie (PPE) pour atteindre l'autonomie énergétique. Un challenge loin d'être irréaliste selon les deux spécialistes du secteur.

La loi de transition énergétique datée de 2015 a été le point pivot pour le développement des énergies durables et renouvelables en Outre-mer, puisque celle-ci projetait pour objectif l'indépendance énergétique des territoires ultramarins à l'horizon 2030. Un objectif ambitieux, mais loin d'être irréalisable en Guyane, le territoire possédant un très fort potentiel multi-énergie. La Guyane est déjà à ce jour le meilleur élève français dans ce domaine, avec plus de 65% de sa production électrique issue des énergies renouvelables, grâce à une politique volontariste, au cœur d'un territoire possédant un réel potentiel solaire, de biomasse, hydroélectrique, ou même éolien. Une force qui permet sérieusement d'imaginer une indépendance énergétique d'ici à 2030.

Une ambition à l'origine d'un cercle économique vertueux par la multiplication et la répartition des projets. En effet, la Guyane, très inégale quant à sa topographie et la concentration de sa population, implique que de nombreux projets soient disséminés en différents lieux du département. Ces projets génèrent des investissements qui vont alors irriguer les communes d'emploi, de revenus durables, en utilisant des ressources locales. Une vision d'avenir partagée par les deux entrepreneurs invités de Radio Péyi.

Gautier Le Maux, directeur Guyane de Voltalia, une société spécialisée dans les énergies renouvelables née en Guyane en 2005 dont le siège est aujourd'hui basé à Paris, fort de 1 000 collaborateurs à travers le monde et gestionnaire de 6 centrales électriques en Guyane, solaire, biomasse et hydroélectrique, pour une production équivalente à 10% de la population du littoral guyanais, soit environ 45 000 personnes. Pour lui, les bénéfices territoriaux du renouvelable ne font aucun doute : « L’électricité produite à partir de la biomasse, et c'est vrai pour toutes les autres énergies renouvelables, et c'est la beauté de ces énergies, c'est qu'elles sont moins cher, moins polluante, et créent plus d'emploi, que l'énergie à base de diesel importé ».

Alain Cyrille, directeur Guyane de HDF Energy (Hydrogène De France), société bordelaise spécialisée dans l'utilisation et les différentes applications de l'hydrogène pour la production et le stockage d'énergie. Une entreprise pionnière au niveau mondial qui a notamment pour objectif la démocratisation des piles à combustibles basées sur l'hydrogène. Pour ce dernier, l'objectif est clair : « Nous, les producteurs d'énergies renouvelables, nous le disons de manière franche et claire, nous avons la capacité de mettre en œuvre des projets pour atteindre cet objectif. Ce n'est pas un objectif utopique, c'est un objectif certes ambitieux, mais parfaitement réaliste ».

Élus et institutions Guyanaise, inscrits dans une démarche volontariste

En Guyane, la démarche du développement des énergies renouvelables est actée. D'ores et déjà, le Groupement des Entreprises en Énergies Renouvelables de Guyane (GENERG) qui lie tous les professionnels du secteur et du territoire, ne représente pas moins de 600 millions d'euros d'investissements d'ici à 2028, et un peu plus de 600 emplois. Avec la mise en œuvre du PPE, l'indépendance énergétique est un projet loin d'être facile, mais aussi loin d'être irréalisable, et ce avec un minimum de fonds publics. La compétence de la construction de centrales n'est pas du ressort de l’État, elle est donc dédiée au secteur privé, mais les retombées économiques sont pour autant très avantageuses. 

Projet Centrale électrique de l'Ouest Guyanais de HDF Energy 

« Les élus de Guyane ont intégré et compris le niveau de potentiel d'énergie renouvelable du territoire », explique Alain Cyrille, ce que confirme Gautier Le Maux : « au fil des années les opérateurs privés que nous sommes ont prouvé ont rassuré les élus sur notre capacité à délivrer des projets et à produire de l’électricité qui est un bien essentiel à la consommation, on est quasi dans une notion de service public au côté d'EDF. Les élus ont compris cela et ont rédigé avec les services de l'Etat la PPE qui est une feuille de route très volontariste pour les énergies renouvelables ». La Guyane à la chance de pouvoir devenir un exemple au niveau mondial grâce à sa situation particulièrement propice au développement d'énergies renouvelables. « On a la possibilité d'être un territoire d'exception exemplaire », ajoute le directeur Guyane de Voltalia.

Les déclinaisons individuelles et micro-locales, partie intégrante du projet commun

Une autre force du territoire est la possibilité pour chacun de participer à l'essor du renouvelable en Guyane. De nombreux bâtiments publics inscrivent la part d'énergies renouvelables dans leurs projets, à l'image des Lycées de Saint-Laurent du Maroni, de Mana et de Rémire-Montjoly, dont les toitures couvertes de panneaux solaires rendent ces bâtiments énergétiquement positifs, c'est à dire qu'ils produisent plus d’électricité qu'ils n'en consomment, ou encore le projet du tennis club de Suzini, qui intègre cette même démarche dans son futur chantier.

Mais c'est aussi au niveau individuel que l'impact peut être significatif. Il est aujourd'hui aisé d'accéder à une couverture photovoltaïque, des entreprises existent pour en faciliter l'accès et l'installation en Guyane. Pour Gautier Le Maux, ces solutions font partie intégrante de l'enjeux du territoire : « L'autoconsommation est possible pour tout le monde. Tout le monde peut acheter des panneaux aujourd'hui (…) l'autoconsommation permet de s’affranchir du réseau EDF durant la journée. Ces installations, grâce à la baisse du coût des panneaux, sont rentables au bout de 5 à 7 ans. Ça peut paraître long, mais ce sont des panneaux qui peuvent durer 15 à 20 ans. Donc il faut y penser, c'est un bon réflexe. Pour les personnes qui ont des surfaces plus importantes, à partir de 700-800m², on peut toujours faire de l'autoconsommation et on peut également louer cet espace à des opérateurs qui vont construire et exploiter une centrale et qui vont revendre à EDF ».

Une solution qui doit s'inscrire au niveau des institutions et de la démarche territoriale, pour Alain Cyrille : « Il faut maintenant mieux penser nos systèmes de couverture, qu'ils soient mieux adaptés à la réception de panneaux solaires (…) c'est la confirmation de ces techniques-là, leur pérennisation » qui permettra d'atteindre l'objectif du territoire.

Le renouvelable, pourvoyeur d'emploi et de formation

Un aspect non négligeable de l'énergie renouvelable est sa capacité à drainer de l'emploi et de la formation. Si la production électrique d'énergie renouvelable est plus vertueuse écologiquement et économiquement que les méthodes conventionnelles, elles ont la particularité de nécessiter plus de centrales, donc plus de chantiers, plus de postes de travail et de fait, plus d'emploi pour le territoire.

Panneaux photovoltaïques sur la toiture du Lycée de Mana en Guyane

L'exemple est donné par Alain Cyrille et le groupe HDF Energy. Dans son projet d'une centrale dont le stockage d'énergie sera assuré par un procédé hydrogène, une première mondiale dans le domaine, le chantier va générer 200 emplois pendant sa construction, puis une vingtaine d'emplois pour son fonctionnement. Électricien ou technicien en systèmes industriels entre-autres, mais également des postes de gardiens, d'intervenants sur les espaces verts, « c'est tout un complexe économique et technique qui se met en place, sur des emplois pérennisés sur une vingtaine d'années ».

L'une des forces du territoire est sa capacité de formation. En effet, la Guyane est déjà un lieu propice aux études dans le secteur, à l'image des formations supérieures qu'elle propose dans le domaine. DUT Generg, BTS maintenance industrielle, ou encore les cursus d'ingénieur en énergie renouvelable et électricité de l'Université, le territoire est déjà orienté vers cet avenir de l'énergie propre. Cette volonté, ainsi que la proximité du centre spatial, font que « La Guyane a la chance d'avoir un champ d'activité industrielle qui nous permet d'avoir cette culture industrielle et de pouvoir puiser dans notre vivier », poursuit le directeur Guyane de HDF Energy.

Le recyclage, l'ultime étape du renouvelable

Point final du cycle des énergies renouvelables, et notamment photovoltaïque, la question du recyclage des matériaux est un enjeu capital du processus. Ce domaine est loin d'être négligé comme l'explique Alain Cyrille : « C'est extrêmement important. Aujourd'hui un projet industriel comme nous le développons ne peut pas ne pas prendre l'engagement du devenir de ses déchets industriels. Mais une des qualités des industries renouvelables, c'est que nous avons très peu d'intrants, très peu de produits que nous utilisons pour produire de l'énergie, donc très peu de rejets ».

Le peu de rejets générés par les énergies renouvelables ne sauraient pour autant être déconsidérés. Gautier Le Maux poursuit : « Aujourd’hui le panneau solaire se recycle très bien, à peu près 90%, on est au même niveau qu'une canette d’aluminium. Quand on achète un panneau, on paye une redevance à un organisme qui s'appelle PV Cycle, il est présent en Guyane, en charge de collecter les panneaux en fin de vie. Ils sont ensuite traités en Métropole. Pour les batteries, il n'y a pas de filière qui existe de retraitement Guyane mais on les envoie pour un traitement spécifique dédié en Métropole. On est des acteurs responsables, on ne laisse pas des friches industrielles derrière nous. Nous avons des fonds dédiés pour le démantèlement ».

Ainsi se pose la question d'une ouverture d'une future branche économique du territoire. La question du recyclage au sein même de la Guyane est possible, il s'agit de développer la filière, une possibilité qui pourrait s'envisager avec le développement continu des énergies renouvelables, les deux entrepreneurs s'accordent sur ce point. À ce sujet, Alain Cyrille résume : « À partir du moment où on a un volume de produit qui permet la mise en œuvre d'une activité rentable, bien entendu que cette activité-là se mettra en place. Bien entendu, c'est plus intéressant de recycler chez nous que de le faire repartir ailleurs ».

Damien Chaillot.