ÉDITO de Luc Laventure. Extraction minière en Guyane  : Sortir de la « fausse » contradiction entre environnement et exploitation

ÉDITO de Luc Laventure. Extraction minière en Guyane : Sortir de la « fausse » contradiction entre environnement et exploitation

Rodolphe Alexandre s’est rendu la semaine dernière sur des sites d’orpaillage illégaux le long du fleuve Sinamari en Guyane ©Facebook / CTG

La semaine dernière, une image forte : la remontée en pirogue du fleuve Sinamari avec à son bord le Président de la CTG (Collectivité Territoriale de la Guyane), Rodolphe Alexandre. À ses côtés, le nouveau maire de Sinamari, Michel-Ange Jean-Elie, ainsi que deux exploitants légaux de mines d’or. Nous sommes bien loin de l’image traditionnelle des hélicoptères dont les pales et les turbos déchirent l’air d’une forêt guyanaise, déjà saignée par l’exploitation aurifère illégale.

Le Président de la CTG se rendait justement sur un de ces sites : une façon de tourner la page d’une position qu’il avait prise à propos de cette «  montagne d’or  », qui avait déchaîné les passions, il y a quelques mois. Les rapports entre les différents interlocuteurs du dossier, notamment les Amérindiens, s’étaient tendus depuis.

Rodolphe Alexandre a exprimé sur sa page Facebook au cours de cette visite un « profond sentiment de révolte et de colère ». Il y dénonce même « les méthodes d’extraction, l’utilisation massive du mercure, les dispositifs existants… Mais également la biodiversité anéantie, la pollution des eaux, l’exploitation humaine manifeste. Cette mine clandestine existe au vu et au su de tous ».

Rodolphe Alexandre s'est rendu la semaine dernière sur des sites d'orpaillage illégaux le long du fleuve Sinamari en Guyane ©Facebook / CTG

Rodolphe Alexandre s’est rendu la semaine dernière sur des sites d’orpaillage illégaux le long du fleuve Sinamari en Guyane ©Facebook / CTG

De son côté le Vice-président du Sénat, George Patient, adressait au Premier ministre une note sur la situation des entreprises guyanaises du secteur minier se trouvant en grande difficulté en raison de l’attente de décision d’attribution de titres miniers et d’autorisations d’exploitation. Pour Georges Patient « à ce jour l’arrêté ministériel d’attribution se fait toujours attendre… ». Il va encore plus loin en ajoutant que « ce serait un comble qu’en pleine crise sanitaire, et alors que le gouvernement déploie un plan de relance, la disparition des sociétés soit due à un retard de signatures attribuant un PER  (Permis Exclusif de Recherches) ».

C’est vrai que l’on a l’impression que les choses piétinent ! Les Guyanais qui veulent rester dans la légalité sont pénalisés par une administration à la fois tatillonne et même, j’ose le dire, qui se débat dans des contradictions dont elle n’arrive pas à s’échapper.

Alors, comment sortir de cette situation complexe ?

Tout d’abord une première réflexion  : pourquoi les problèmes de la mine en Guyane se posent-ils de manière aussi violente ?

Peut-on oser faire un rapprochement avec le secteur minier en Nouvelle-Calédonie ? Secteur qui a fait l’objet il y a quelques années de soins attentifs, de questionnements très pointus, en matière d’environnement ? Au contraire de la Guyane, cette vigilance n’a pas débouché sur une paralysie du système. Il est vrai que la Nouvelle-Calédonie n’est pas sous la même législation puisqu’il s’agit d’une Collectivité « sui generis » dotée d’une large autonomie.

Est-ce le moment de poser le problème du statut « sui generis » proposé par certains édiles guyanais ? Il faudra tout de même sortir de ce schéma binaire. Pour reprendre l’expression du sénateur Georges Patient « le choix à faire en Guyane n’est pas entre l’exploitation de l’or d’un côté et la protection de l’environnement de l’autre, car l’exploitation de l’or aura lieu quoiqu’il arrive ».

Entretien entre Rodolphe Alexandre et Georges Patient sur l’orpaillage illégal, la réforme du code minier et les lenteurs administratives en matière d’autorisation ©Facebook / CTG

Entretien entre Rodolphe Alexandre et Georges Patient sur l’orpaillage illégal, la réforme du code minier et les lenteurs administratives en matière d’autorisation ©Facebook / CTG

L’appropriation des ressources de nos territoires doit-elle passer forcément par un changement de statut ? Ne peut-on pas se servir de l’opportunité du statut départemental pour réclamer un code minier faisant évoluer les capacités en matière de prospection et d’exploitation ? Comme un statut qui existe à Strasbourg…

On peut rêver avec l’hypothétique création d’une usine à hydrogène à Saint-Laurent-du-Maroni, que nos voitures ne soient pas obligées de faire le choix cornélien de Tesla (production polluante mais responsable) … les Outre-mer encore une fois, ouvriraient la voie.

D’autant que selon nos indiscrétions, 30% de cet article du Code minier que l’on tricote en ce moment parle de la Guyane.

Et puis, ne soyons pas hypocrites : le risque zéro n’existe pas ! Pour reprendre une expression d’une responsable économique de la Guyane : « quand bien même c’est compliqué, je préfère avoir mille fois une industrie minière sur un territoire que je peux contrôler, que sur un territoire incontrôlable ».

Luc Laventure