22 mai, abolition de l'esclavage : La Martinique célèbre une mémoire combattante

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22 mai, abolition de l'esclavage : La Martinique célèbre une mémoire combattante

Porté d'abord par les militants puis inscrit comme un jour férié depuis la loi du 30 juin 1983, le 22 mai, date symbolisant le soulèvement des esclaves, est synonyme de célébration chaque année de l'abolition de l'esclavage en Martinique. Une commémoration en forme de mémoire combattante.

 

En ce mois de mémoires, les commémorations et autres célébrations en hommage aux victimes de l'esclavage se déroulent aux quatre coins du territoire français selon un calendrier mis en place depuis des années. En Martinique, la date du 22 mai qui symbolise le soulèvement des esclaves d'abord portée par des militants, a fini par s'imposer auprès des autorités publiques qui l'ont institutionnalisée dans la loi du 30 juin 1983 en l'inscrivant aussi comme jour férié.

Petit rappel historique pour comprendre l'origine de la date du 22 mai :

Alors sous contrôle britannique, la Martinique n'a pas connu la première abolition de 1794. Redevenue française sous Napoléon Bonaparte, la colonie continuera à être réduite en esclavage qui y sera même renforcé par un décret du 20 mai 1802. En mai 1848, alors que prédomine une situation pré-insurrectionnelle sur l'île amplifiée par l'annonce de l'abolition imminente du décret du 4 mars reçu fin mars, un évènement survenu à Saint-Pierre, la ville la plus importante de la Martinique, va précipiter les choses. Pour avoir organisé un regroupement au son du tambour, un esclave du nom de Romain est arrêté manu-militari.

La foule grondante et menaçante se masse pour réclamer sa libération. Une libération qui intervient au matin du 22 mai. Mais il est déjà trop tard. En dépit de cette libération, la révolte s'étend dans tout Saint-Pierre et même au-delà au Prêcheur, causant de nombreuses victimes du fait d'une sévère répression. Devant la détermination des insurgés, un vent de panique saisit les autorités qui décident de proclamer sur le champ l'abolition de l'esclavage, sans attendre le décret d'émancipation générale signé à Paris le 27 avril, mais qui n'arrivera que le 10 juin à la Martinique avec le commissaire Perrinon. Ainsi, ce sont donc les esclaves révoltés qui ont imposé l'émancipation à la Martinique et c'est cette mémoire combattante que les Martiniquais célèbrent désormais chaque année.

Gros plan sur Pierre Marie Pory-Papy, le héros discret de l'abolition

Pierre Marie Pory-Papy © DR

Si dans cette période esclavagiste et coloniale, nombre de femmes et d'hommes, esclaves ou affranchis, ont participé aux résistances et ont contribué à la libération et à l'émancipation des esclaves, certains sont plus reconnus que d'autres. Certains sont aujourd'hui considérés comme des héros, d'autres moins parce que méconnus. C'est le cas de Pierre Marie Pory-Papy.

Né d'un couple de métis martiniquais le 3 mai 1805 et mort le 27 janvier 1874 à Versailles, Pierre Marie Pory Papy a été le premier avocat de couleur de Martinique. En mai 1848, il occupe la fonction de premier adjoint de la commune de Saint-Pierre. Poste qu'il occupe lorsqu'éclate l'affaire Romain. Pierre Marie Pory-Papy défiera alors le maire Hervé issu des rangs des propriétaires esclavagistes en ordonnant la libération de Romain et en faisant voter par le Conseil municipal l'abolition immédiate de l'esclavage à Saint-Pierre. Il interviendra également auprès du gouverneur de l'île, le général Rostoland, pour qu'il signe le décret interdisant l'esclavage dans la colonie. Après la démission le lendemain d'Hervé, il sera élu maire de Saint-Pierre le 24 mai 1848.

En août 1848, il deviendra l'un des représentants de la Martinique à l'Assemblée nationale constituante de la Seconde République jusqu'en mai 1849. Par la suite, après avoir été président du Conseil général de Martinique à la chute de l'empire, il va retrouver le Palais Bourbon en mars 1871. Il le restera jusqu'en janvier 1874, date de sa mort, après une vie de combats pour ses idées. Aujourd'hui, en dépit de ses actes de résistance et des combats menés, aucune rue ni aucun monument n'est dédié à sa mémoire à Saint-Pierre, sa ville natale. Une injustice qu'il convient de réparer rapidement.

EB