Polynésie : En grève de la faim, Oscar Temaru dénonce un « acharnement » judiciaire à son encontre

Polynésie : En grève de la faim, Oscar Temaru dénonce un « acharnement » judiciaire à son encontre

Oscar Temaru et ses militants organisent depuis lundi un sit-in devant le palais de Justice de Papeete ©Caroline Perdrix / Radio 1 Tahiti

En septembre dernier, le leader indépendantiste de Polynésie et maire de la commune de Faa’a, Oscar Temaru, avait été condamné à 6 mois de prison avec sursis et 42 000 euros d’amende dans l’affaire « Radio Tefana ». Et alors qu’il attend la date du jugement en appel, Oscar Temaru fait aujourd’hui l’objet d’une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et recel. 

En février 2019, le conseil municipal de Faa’a avait voté une protection fonctionnelle d’un montant de 12 millions de Fcfp pour assurer la défense du maire de Faa’a dans le cadre de l’affaire Radio Tefana, rappellent nos confrères de Radio 1 Tahiti. C’est cette décision qui fait l’objet d’une enquête préliminaire pour détournement de fonds publics et recel à l’encontre d’Oscar Temaru.

Dans les faits, cette enquête a été ouverte par le procureur de la République en Polynésie, Hervé Leroy, dans le but de savoir si cette « protection fonctionnelle » est bien conforme à l’article L2123-34 du Code général des collectivités territoriales qui précise que « la commune est tenue d’accorder sa protection au maire, (…) lorsque celui-ci fait l’objet de poursuites pénales à l’occasion de faits qui n’ont pas le caractère de faute détachable de l’exercice de ses fonctions », ajoute Radio 1 Tahiti.

Dans le cadre de l’affaire Radio Tefana, Oscar Temaru avait été condamné pour prise illégale d’intérêts. La justice lui reprochait d’avoir accordé, durant plusieurs années, des subventions publiques d’un montant total d’1,25 million d’euros à Radio Tefana, une station de sa commune créée en 1984. S’il n’a pas pu échapper à la peine de prison avec sursis et l’amende, Oscar Temaru a toutefois échappé à la peine d’inéligibilité de son mandat de maire. Le procureur de la République avait reconnu qu’« Oscar Temaru est un homme moralement et intellectuellement honnête ». Le maire de Faa’a, confortablement réélu au premier tour du 15 mars dernier, a toutefois fait appel de ses condamnations.

Sit-in pacifique et grève de la faim

En Polynésie, la décision du procureur de la République de s’intéresser à la protection fonctionnelle dont le maire a bénéficié interroge. Après des auditions fin mai, une saisie pénale d’11,55 millions de Fcfp a été effectuée sur le compte personnel de l’édile, la semaine dernière « sans avoir consulté le Juge des libertés ». Cette saisie pénale vient finalement d’être validée par une ordonnance du Juge des libertés et de la détention. Une validation qu’attendait Oscar Temaru qui, depuis lundi, organise un sit-in pacifique devant les grilles du palais de Justice de Papeete et a entamé une grève de la faim.

« En qualité de maire, j’ai légalement bénéficié de la protection fonctionnelle qui a été votée en conseil municipal à l’unanimité pour couvrir les frais d’avocat », a insisté le maire de Faa’a, interrogé par un journaliste canadien. « En prélevant de l’argent directement sur mon compte en banque, cela donne l’impression qu’on veut m’empêcher de fuir. (…) L’argent qu’il y a sur mon compte, c’est celui de ma sueur. J’ai travaillé depuis l’âge de douze ans, et je sais ce que c’est que souffrir ».

Dénonçant un « un acharnement » judiciaire, Oscar Temaru est convaincu que l’enquête menée à son encontre « est orchestrée depuis Paris, à la suite de ses prises de position à l’ONU pour la décolonisation de la Polynésie française ». Selon son avocat, Me Thibault Millet, « c’est une enquête sur la défense pénale de M. Temaru alors que nous sommes en pleine procédure pénale. L’affaire de Radio Tefana doit être audiencée en appel dans les mois à venir et là, on met à nu la défense, on la déstabilise ». « C’est une violation massive des droits de la défense », a-t-il dénoncé.

Oscar Temaru a également indiqué que ses avocats allaient déposer une requête devant le Conseil supérieur de la magistrature, et que le député Moetai Brotherson, également cadre du parti indépendantiste, allait saisir le Défenseur des droits à Paris, sur les méthodes employées à son égard par le procureur, rapporte encore Radio 1 Tahiti. La mobilisation de l’indépendantiste a notamment eu des échos jusqu’en Nouvelle-Calédonie, où le parti Union calédonienne a adressé son soutien au maire de Faa’a, ancien compagnon de lutte de Jean-Marie Tjibaou.