Portrait: Halifa Massoundi, le Mahorais qui veut sensibiliser à la préservation de la biodiversité de Mayotte à travers la randonnée palmée

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Portrait: Halifa Massoundi, le Mahorais qui veut sensibiliser à la préservation de la biodiversité de Mayotte à travers la randonnée palmée

C’est en 2022 qu’Halifa Massoundi, jeune Mahorais originaire du village côtier de Chiconi, décide de se lancer dans le monde de l’entrepreneuriat. Moniteur de plongée pendant plusieurs années, l’homme constate que peu de locaux s’aventurent dans le lagon de Mayotte pour y plonger, malgré le fait qu’il soit classé parmi les plus beaux du monde. Animé par la volonté de rendre les merveilles des fonds marins accessibles à tous, il fonde sa société : RandO Palma. Mais son ambition va plus loin encore : sensibiliser à la préservation et à la protection de la biodiversité de Mayotte, à travers la randonnée palmée.

 

Bien qu’ayant grandi entouré de la mer, rien ne destinait Halifa Massoundi à faire découvrir aux autres la beauté et la richesse du lagon de Mayotte. « J’ai grandi dans le village de Chiconi. Depuis tout petit, on est habitué à voir la mer », raconte-t-il. « Pourtant, jeunes, personne ne nous a appris à nager. On apprenait à flotter, à ne pas couler. À marée basse, il y avait un banc de sable qui se découvrait. On allait jouer au foot, là-bas. Quand la marée remontait, on se débrouillait pour revenir sur la terre ferme. Personne ne nous encadrait réellement pour nous apprendre à nager. On avait peur mais il fallait y aller. L’objectif était de ne pas se noyer ! » Quelques années plus tard, il part pour La Réunion avec ses parents, puis pour l’Hexagone pour poursuivre ses études. « Je me suis rendu compte que ce n’était pas pour moi. J’ai vite cherché à travailler. J’ai tout fait !» En 2015, il rentre à Mayotte et devient commercial. Tout se passait bien jusqu’au jour où une opportunité s’offre à lui.

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Une passion découverte sur le tard

Après plusieurs années dans une relative tranquillité, le jeune de Chiconi découvre une offre de formation qui va changer sa vie. « En 2018, je découvre une formation qui était proposée pour devenir moniteur de plongée. Au début, j’ai pensé que ce n’était pas pour moi. Je ne connaissais aucun Mahorais dans ce secteur... Et puis, je me suis dit : pourquoi pas ! Je n’avais jamais fait de baptême de plongée avant de commencer à me former. C’est petit à petit que j’ai développé cette passion pour nos fonds marins ». Basé dans le petit village de Mliha, dans la commune de M’tsangamouji, il exerce son nouveau métier avec bonheur. Au fil des mois, un constat lui apparaît. « Il n’y avait pas beaucoup de locaux qui venaient. C’était étrange. Et puis, un jour, un oncle à moi était en vacances à Mayotte. C’était un retraité de 60 ans qui s’est dit que, comme son neveu était moniteur de plongée, il allait passer son baptême. Ça a été le déclic pour moi. Je me suis dit que je devais faire découvrir au plus grand nombre tout ce qui nous entoure, sous l’eau. Mayotte possède l’un des plus beaux lagons du monde et ce n’est pas pour rien. J’avais l’impression que peu de personnes s’en rendaient compte, surtout parmi les Mahorais. Je me suis donné une mission : rendre les fonds marins accessibles à tous ». En effet, très vite le Mahorais se rend compte que plusieurs facteurs freinent les natifs dans leur envie d’exploration. « Beaucoup n'osent pas parce qu’ils ne se sentent pas à l’aise dans l’eau. C’est pour cela que j’ai voulu réfléchir à un concept qui rassure les gens, qui les sensibilise aussi et qui leur fait voir toute la vie animale et végétale sous-marine, en toute sécurité ».

Rassurer, transmettre, protéger

C’est ainsi que naît l’idée de RandO Palma. En 2022, après 4 ans à exercer le métier de moniteur de plongée, Halifa Massoundi crée donc sa propre structure. RandO Palma est là pour montrer la biodiversité du lagon de Mayotte à travers des excursions en bateau, de la randonnée palmée, de l’initiation au PMT ( ndlr : palmes, masque, tuba) pour les débutants et la possibilité de découvrir de nouvelles sensations en scooter sous-marin. « Il y a, pour certains, beaucoup d'appréhension au début mais nous prenons le temps d’expliquer, de rassurer avant de nous lancer. Aujourd’hui, les gens adhèrent à l’idée parce qu’il y a beaucoup de pédagogie avant et pendant toutes nos sorties. Vous savez, quand on fait un baptême de plongée, le plus gros travail c'est de rassurer. Après tout, la personne va évoluer et descendre dans un milieu qu’elle ne connaît pas du tout ». L’idée, c’est également de transmettre cet amour des milieux marins afin de sensibiliser à la fragilité du milieu. Pour ce faire, les activités proposées tournent autour de la randonnée palmée qui peut être couplée à la visite d’îlots et de leurs tombants. Tout est fait pour mettre les novices mais aussi les plus expérimentés à l’aise. Le matériel est fourni et le repas est proposé dans le cadre de journées complètes. Actuellement, RandO Palma se situe au Nord de Mayotte, mais le passionné de la mer, qui exerce pour le moment seul, espère ouvrir d’autres points de départ sur l’île, même si cela semble compliqué pour le moment.

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 Un parcours semé d’embûches

Malgré son envie de développer cette activité qu’il juge salvatrice pour le développement de l’éco-tourisme et de l’attractivité de son territoire, Halifa Massoundi ne peut s’empêcher de noter les nombreuses difficultés qu’il rencontre, encore aujourd’hui. « La première difficulté, c’est le manque d’infrastructures. Que ce soit au Nord, à l’Ouest ou ailleurs, à part à Mamoudzou ou en Petite Terre, il n’y a pas de pontons, pas de station-service à proximité, qui pourraient nous faciliter notre travail. Imaginez-nous avec nos bidons d’essence, à devoir stocker tout cela chez nous. C’est dangereux. Je vous parle de cela mais il y a tellement d’autres choses ». Pour lui-même mais aussi pour les autres prestataires nautiques, l’entrepreneur dénonce le manque d’accompagnement politique et la lenteur administrative qui ralentit tout potentiel d'expansion de ces activités. « On ne peut pas accueillir nos clients correctement. Parfois, à marée basse, les coraux pâtissent de cette situation. Nous aimerions que nos politiques se rendent compte de la chance que nous avons d’avoir ce territoire exceptionnel, encore préservé ». 

En attendant, Mayotte et son lagon classé parmi les plus beaux et les plus grands du monde peuvent compter sur ces passionnés qui continuent ce combat pour la préservation de ses sites. Pour Halifa Massoundi, l’objectif reste inchangé malgré la situation : faire découvrir, faire comprendre au plus grand nombre à quel point les fonds marins du territoire sont uniques et doivent être protégés.

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Abby Said Adinani