Aérien : L’accord de performance collective pour sauver Air Austral signé

Aérien : L’accord de performance collective pour sauver Air Austral signé

Après sept longues semaines d’âpres négociations, la direction et les représentations syndicales de la compagnie internationale réunionnaise ont signé ce jeudi un accord de performance censé garantir la survie d’Air Austral. Un plan de retournement doit encore être présenté à la mi-mai.

« C’est un soulagement aujourd’hui, l’objectif c’est de pouvoir retrouver un équilibre » souffle Frédéric Bénard, représentant syndical CFDT aérien aviation. Soulagement aussi du côté de la présidente de la Région Huguette Bello, également présidente du conseil de surveillance, qui rappelle « la feuille de route exigeante fixée par l’État et dictée par la gravité et l’urgence de la situation », qui « ne laissait aucune alternative ».

Mi-mars, à l’issue d’une réunion interministérielle (Transports, Industrie et Outre-mer) avec la direction d’Air Austral, le gouvernement avait demandé à la compagnie réunionnaise en difficulté un plan de retournement sur trois ans, à présenter fin avril, seule condition à un accompagnement de l’État. « Je tiens à saluer l’esprit de responsabilité dont a fait preuve l’ensemble des parties prenantes à cet accord », de performance collective donc, qui « représente un effort remarquable du personnel dont nous devons mesurer toute la signification », a ajouté Huguette Bello. Cet accord est surtout un premier pas vers le plan de retournement demandé par l’État, et à l’apport de 10 millions d’euros des actionnaires de la compagnie.

L’effort sera plus précisément fait sur les rémunérations des 850 salariés de la compagnie, sans pour autant entraîner de licenciement. « La rémunération des salariés sera globalement maintenue », assure aussi Frédéric Bénard, tandis que le 13ème mois va être, en revanche, impacté. « On va demander plus d’efforts aux salariés, on va rendre plus productif l’ensemble des salariés » a-t-il ajouté. « C'est la poche du salarié qui va être un peu plus vide à la fin de ces mesures actées par l'État lors de la réunion interministérielle », s’agace de son côté le représentant du syndicat SNPNC-FO, Baptiste Dei Tos.

« La section Air Austral du syndicat national des pilotes de ligne (...) a pris ses responsabilités » dans le souci de la « pérennisation de l'entreprise et pour la sauvegarde des emplois réunionnais », selon un communiqué du syndicat des pilotes qui ne recevront pas de 13ème mois et auront six jours de congés en moins, a précisé le président du SNPL Air Austral, Vivien Rousseau. Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires a aussi été relevé, privant « techniquement » les pilotes de la possibilité d'en engranger alors qu'elles représentent habituellement une « grosse part » de leur revenu, selon lui. Pour « sauver nos emplois », « on va travailler plus pour gagner moins », a résumé Vivien Rousseau.

Le coût de l'emploi de 115 pilotes par Air Austral, estimé à 60 millions d'euros sur deux ans, sera ainsi réduit de 5,3 millions, a-t-il indiqué. D'après les calculs du syndicat, les pilotes auront perdu « 45% de leur pouvoir d'achat de 2017 à 2026 ». Le syndicaliste a dénoncé l'attitude de l'actionnaire majoritaire « qui a conditionné son apport d'argent frais à une baisse de 10% de la masse salariale ». « C'est la dernière fois que les salariés payent pour les erreurs du passé », a prévenu Frédéric Bernard.

« Cet effort a été fait pour la clientèle qui est attachée à la compagnie réunionnaise » a dit de son côté le président du Directoire de la compagnie, Joseph Bréma. « Cette signature est une étape importante qui permet de continuer sur notre plan de restructuration ». L’accord de performance collective doit être présenté à la fin du mois de mai, et le plan de retournement exigé par l’État doit être finalisé à la mi-mai. Joseph Brema espère un retour au vert de la compagnie en mars 2025, tandis que le « plan d'économie de l'entreprise est aux alentours des 30 millions d'euros », dont 22 millions « en interne » et le reste complété par l’accord de performance.

Jérôme Filippini, préfet de La Réunion, a salué « l’esprit de responsabilité » des syndicats et de la direction. « Il s’agit d’une étape importante sur le chemin du plan de redressement de la compagnie aérienne, auquel l’État est très attentif ». Le président du Département à lui appelé à un « même esprit de dialogue exemplaire gouverne la suite des négociations, en vue d’une issue positive pour ce fleuron économique de La Réunion ».

Sortie très lourdement endettée de la crise du Covid-19, Air Austral a bénéficié de multiples aides publiques avant d'être restructurée début 2023 sur fond d'apport de capitaux privés, tandis que l'État abandonnait 100 millions d'euros de créances. La compagnie demeure déficitaire malgré, en 2023, un chiffre d’affaires record de 430 millions d’euros. Air Austral est désormais détenue à 55% par la société RunAir, rassemblant des investisseurs réunionnais, et à 44% par la Sematra, société d'économie mixte (région, département, Caisse des Dépôts) anciennement propriétaire à 99% de la compagnie.